Une hausse soudaine du piratage de logiciels, entrainée par l’arrivée de BitTorrent au début des années 2000, a conduit les grands éditeurs à augmenter leurs dépenses en R&D, droits d’auteurs et copyrights et, ce faisant, à renforcer leur innovation. C’est la conclusion d’un article publié en août par l’USPTO(*), l'Office américain des brevets et marques. L’objectif de l’analyse menée était de rassembler des informations sur les réponses stratégiques apportées par les entreprises confrontées à un choc dans le domaine de leur propriété intellectuelle. En l’occurrence à la diffusion de copies ou d’imitations de leurs produits, telle que l’introduction de médicaments génériques dans le domaine pharmaceutique, ou la mise en circulation de versions piratées de produits numériques tels que musiques, films ou logiciels.

Dans l’article, Wendy Bradley, professeure de l’école de commerce SMU Cox de Dallas, et Julian Kolev, économiste, ont pris l’exemple de la diffusion, à partir de 2001, du protocole de communication BT utilisé pour le partage de fichiers P2P (pair à pair) sur Internet pour étudier l’impact du piratage sur les stratégies de gestion de la propriété intellectuelle des éditeurs affectés. Ils ont comparé(**) un groupe d’entreprises fortement exposées à ce risque de piratage à un groupe de contrôle constitué d’entreprises non exposées. Outre une forte augmentation des dépenses en R&D pour les premières, il apparaît qu’au sein des entreprises ayant d’importants portefeuilles de produits, les dépôts de brevets ont été précédés par une augmentation disproportionnée de dépôts de copyrights et marques. « … Le piratage et les chocs concurrentiels similaires poussent les firmes à innover pour garder une longueur d’avance sur les produits imitateurs et cet effet est modéré par leurs portefeuilles de brevets existants », résument dans leur conclusion les auteurs de l'article.

Diversifier son portefeuille

L’étude montre notamment qu’en moyenne, les grands éditeurs de logiciels ont été assez prompts à répondre aux changements entraînés par le piratage sur la gestion de leur propriété intellectuelle, en particulier ceux qui avaient déjà des pratiques actives de dépôts de brevets. Certains résultats de l’étude doivent être toutefois interprétés avec prudence, soulignent W. Bradley et J. Kolev, en particulier dans l’analyse à long terme des effets du piratage dans la mesure où le nombre d’entreprises observées se réduit en raison des fusions, acquisitions ou fermetures.

Ces dernières années, en partie en réponse au piratage, les éditeurs ont adopté le modèle d’abonnement, soulignent les auteurs de l'étude. Compte-tenu de la menace constante exercée par le piratage, de nouvelles stratégies peuvent s’avérer nécessaire pour s’approprier les retours sur innovation. Les résultats de l’étude suggèrent que l’obtention de différentes formes de propriété intellectuelle à différents horizons pourrait générer des synergies. « Les entreprises de notre échantillon montrent une forte hausse de l’activité innovante à la suite du choc de piratage, mais elles ont aussi modifié leurs stratégie de propriété intellectuelle pour l’appliquer à un portefeuille plus diversifié à travers une augmentation des dépôts de copyrights et trademarks », mentionne notamment l'article.

(*) Sous le titre « Piratage logiciel et pratiques de gestion de la propriété intellectuelle : des réponses stratégiques à l'imitation de produits

(**) La comparaison entre les entreprises s’est appuyée sur la mise en oeuvre d’un estimateur à variables instrumentales.