La planification et le lancement d'une initiative informatique majeure comptent parmi les plus grands défis auxquels est confronté le DSI. Tous les éléments doivent être étudiés avec le plus grand soin : la technologie, les objectifs, l'aspect financier et, surtout, le calendrier. Si l'initiative est lancée trop tôt, la technologie risque d'être immature. D'un autre côté, si le projet n'est pas lancé à temps, l'entreprise risque de prendre du retard sur ses concurrents, peut-être même de façon irréversible. Savoir exactement à quel moment lancer une initiative IT critique nécessite une expertise approfondie de l'entreprise, du marché et de la technologie. La plupart des DSI possèdent déjà ces compétences, mais connaître les chausse-trappes s'avère également crucial. En particulier, les huit erreurs suivantes, qui toutes peuvent s'avérer fatales.

1. Leadership défaillant

« Avant la stratégie et la technologie, le leadership est un élément clé de la réussite de tout grand projet de transformation », observe Suneet Dua, directeur du développement au sein du cabinet de conseil PwC. Un leadership défaillant et un engagement insuffisant de l'équipe peuvent entraîner des retards et des erreurs qui font perdre du temps. « Identifier rapidement les erreurs commises et impliquer ses collaborateurs dans le processus de correction, au lieu de les laisser dans l'ignorance, peut contribuer fortement à limiter les dégâts », ajoute Suneet Dua. Beaucoup d'erreurs de planification résultent d'une déconnexion entre le service IT et les autres départements de l'entreprise. « Pour réussir, les responsables informatiques ne doivent pas se focaliser sur les seules contraintes du département IT, mais faire participer tous les cadres dirigeants à leur projet de transformation numérique », conseille Suneet Dua.

2. Mauvaise planification

Une planification défectueuse se traduit souvent par un mauvais timing, notamment quand une initiative IT entre en conflit avec des priorités ou projets métiers préexistants. « Fréquemment, les équipes informatiques ne tiennent pas compte des autres activités, qui peuvent affecter avoir un impact sur les bases utilisateurs ciblées par un projet IT et sur leur capacité à collaborer », explique Seth Lively, responsable du digital aux États-Unis pour l'entreprise de conseil PA Consulting. Cette mauvaise planification peut créer de la confusion quand l'initiative IT vient désorganiser involontairement l'agenda des métiers. Selon Seth Lively, la meilleure façon de planifier correctement une initiative IT majeure est de créer un bureau des projets, un Transformation Management Office (TMO) ou une entité similaire, qui coordonnera les activités et leurs interdépendances. « Un bureau des projets sert de cadre pour suivre les évolutions des grands programmes de transformation et son équipe centralisée peut coordonner les services de l'entreprise impliqués dans ces efforts de transformation. Si les interdépendances et les différentes initiatives sont correctement planifiées, les parties prenantes de l'entreprise sont engagées aux moments clés du développement de la solution ».

3. Plannings surchargés

« Les responsables informatiques ont déjà trop de choses à faire », pointe Kevin Shuler, directeur général de l'entreprise de conseil Quandary Consulting Group. Par conséquent, la plupart des DSI se concentrent en premier lieu sur les opérations critiques pour l'entreprise, la maintenance des systèmes existants étant une priorité absolue pour assurer l'activité. « Il faut d'abord s'organiser pour éviter d'être submergé en permanence, puis utiliser le temps et les ressources supplémentaires dont dispose l'IT pour répondre à d'autres besoins », explique Kevin Shuler. Pour dégager le temps nécessaire à la mise en oeuvre d'une initiative potentiellement transformatrice, ce dernier conseille aux DSI d'augmenter leurs effectifs sans augmenter les coûts, ni les membres de l'équipe. Pour cela, il suggère de recourir aux plateformes low-code. « Elles peuvent fournir des fragments de code préfabriqués et aider les développeurs à être plus productifs, explique le DG. Ces plateformes peuvent contribuer à réduire considérablement le temps de développement, et aider l'IT à rattraper son retard sur certaines tâches ». Et d'ajouter qu'un programme citizen développeurs contribue également à libérer du temps supplémentaire au sein des équipes IT, même s'il faut créer des cadres de gouvernance pour garantir que le programme reste sur la bonne voie. « Déléguer les tâches moins essentielles à des employés formés au low-code peut améliorer le rendement, sans peser sur les ressources informatiques », observe Kevin Shuler.

4. Engagement insuffisant

L'indécision et un faible goût du risque sont les deux motifs qui poussent le plus souvent les DSI à retarder leurs initiatives les plus marquantes. « Pour les dirigeants agiles et tournés vers l'avenir, la vitesse d'exécution est au coeur de leurs discussions sur la performance. Par contre, les dirigeants IT plus indécis ont souvent tendance à s'en remettre à des décisions consensuelles et à des évaluations de risques sans fin », explique Colm Sparks-Austin, Pdg de Capgemini Canada. Pour bien planifier une initiative clef, le décideur IT doit l'aligner sur les objectifs de l'entreprise. « Si l'activité de l'entreprise n'est pas au coeur de l'initiative, ou si les métiers n'ont est pas conscience de cet alignement, il est clair que quelque chose ne va pas », reprend le dirigeant de Capgemini. « Les DSI doivent également s'assurer qu'ils analysent toutes les dépenses IT au travers du prisme des objectifs de l'entreprise, conseille encore Colm Sparks-Austin. Cette approche, combinée à des évaluations de la contribution de l'initiative à l'atteinte des objectifs de l'entreprise sur une période donnée, peut réparer les dégâts d'une initiative mal planifiée ».

5. Financement irréaliste

« Un financement irréaliste a presque toujours un impact important sur l'échec d'une initiative IT », note Ravi Malick, DSI de Box, le fournisseur d'outils de gestion de contenu, de collaboration et de partage de fichiers sur le cloud. « Une évaluation financière trop optimiste est presque toujours en cause lors de l'échec d'une initiative ». Mieux vaut donc patienter plutôt que de lancer une initiative sous-financée. Selon Ravi Malick, le sous-financement résulte d'une combinaison de facteurs, comme les prix du matériel, des logiciels et de la main-d'oeuvre... et l'inflation de ces divers postes de coûts au cours des derniers mois. « Savoir où concentrer ses efforts de négociation pour obtenir le prix le plus bas est essentiel pour respecter le budget et être sûr de ne pas avoir à faire de compromis par la suite, qui auraient un impact sur le succès de l'initiative », ajoute le DSI de Box.

6. Confiance démesurée dans le statu quo

Certains responsables IT s'attendent à ce que l'environnement économique dans lequel évolue leur organisation reste globalement le même, voire s'améliore, pendant tout le processus de développement et de déploiement d'une initiative IT majeure. Une hypothèse dangereuse. « Les événements macroéconomiques et les problèmes de rentabilité interne ont un effet considérable sur la poursuite des investissements d'une entreprise dans des initiatives importantes, coûteuses, pluriannuelles et multi-fournisseurs », explique Eric Lefebvre, directeur technique du fournisseur de logiciels de conformité fiscale Sovos. Pour éviter toute surprise financière désagréable, ce dernier suggère de diviser l'initiative en portions maîtrisables, apportant chacune une valeur incrémentale tout au long de la durée de vie du projet. « Par exemple, au lieu d'attendre trois ans pour que le projet aboutisse, il est préférable de commencer par livrer des capacités de base, via un MVP (Minimum Viable Product) dans les six premiers mois, illustre-t-il. Des livraisons régulières de mises à jour, par exemple chaque trimestre, apporteront également de la visibilité au projet et la capacité à le réorienter si les priorités de l'entreprise changent ou si l'environnement économique ou concurrentiel se transforme. « Les DSI doivent également planifier leurs projets de transformation en tenant compte du fait que le financement pourrait se tarir après une livraison trimestrielle. Cette approche garantit que le plan de financement est défendable devant une direction générale et peut être facilement mis en pause jusqu'à ce que les conditions soient plus propices à l'investissement », ajoute Eric Lefebvre.

7. Mauvaise coordination des parties prenantes

Les initiatives IT affectent fréquemment les processus métier critiques, et pas toujours de manière positive. « Il est essentiel de programmer toute initiative IT pour que les parties prenantes concernées puissent s'adapter au changement et l'adopter avec un minimum de risques », relève Ola Chowning, associé du cabinet mondial de recherche et de conseil ISG. Contre-exemple emblématique : modifier un système d'information financier pendant la période de définition des budgets, avant la fin du mois ou, pire encore, avant la clôture de l'exercice.

8. Parasitage par d'autres tâches

Les responsables IT endossent de nombreuses responsabilités critiques qui peuvent faire perdre du temps. Le fait d'avoir à s'occuper d'un tas de tâches quotidiennes urgentes peut conduire à des initiatives inopportunes. « Quand il est occupé par d'autres tâches, le DSI peut facilement devenir plus réactif que proactif », note Jeremy Richard, responsable de l'informatique et de la sécurité pour le fournisseur Armis. « Dans un monde technologique en constante évolution, les DSI doivent être des visionnaires dotés de solides compétences en matière de planification, et ils doivent toujours garder les yeux sur les objectifs de l'entreprise afin d'assurer du bon timing et de la bonne exécution de leurs initiatives les plus significatives », reprend Jeremy Richard. Ce dernier fait remarquer que les dommages causés par une initiative inopportune peuvent être atténués, et parfois même réparés, grâce à une planification de projet adéquate et une communication ouverte. « Les équipes doivent fixer des objectifs et attentes clairs et mesurables pour remédier à tout incident, et planifier une exécution correcte la prochaine fois », prévient-il, ajoutant que le responsable informatique doit également analyser les raisons pour lesquelles l'initiative a été mal programmée et ce qui pourrait être amélioré lors du déploiement de futures projets.

Conclusion

Selon Ravi Malick de Box, il n'y a jamais de moment idéal pour lancer une initiative informatique majeure, en particulier quand elle a un impact important sur l'ensemble des fonctions ou de l'entreprise. La meilleure façon de limiter les perturbations est de procéder à une planification intelligente du ou des projets qui découlent de cette initiative. « Dans un premier temps, le mieux est de faire en sorte que les gens se sentent alignés et soutenus, puis de s'assurer que la gouvernance est en place pour que les équipes restent focalisées sur les objectifs, dans oublier de reporter les projets moins prioritaires analyse le DSI. Enfin, il faut s'assurer que l'initiative sera financée de manière adéquate, et non a minima ».