Le parlement européen, qui avait réussi à faire échouer les plan des pro-brevets logiciels en Europe, est reparti en guerre aujourd'hui contre la proposition de la Commission de souscrire à l'Accord sur le règlement des litiges en matière de brevets européens (EPLA ou European Patent Litigation Agreement), un projet avancé et soutenu par l'Office Européen des brevets (OEB). L'OEB est très critiqué par une partie du Parlement européen pour sa gestion du dossier de la brevetabilité des logiciels. Selon les Verts, le PS et les communistes européens, le nombre de demandes de brevets déposées chaque année à l'Office européen des brevets a augmenté de quelque 60% au cours des sept dernières années. Ceux-ci notent que "ce n'est pas le résultat d'un accroissement correspondant de l'activité innovante et, partant, soulève des préoccupations quant à l'extension du champ des matières susceptibles de faire l'objet d'un brevet, quant aux normes de qualité inférieures, à la création de maquis de brevets, à une utilisation stratégique accrue des brevets en tant que substitution à des innovations réelles". L'une des inquiétudes des parlementaires reste le fait que l'OEB a déjà approuvé des brevets sur le logiciel alors qu'en théorie il n'en a pas le pouvoir. Autant dire que l'EPLA était attendu de pied ferme par lesdits députés, certains y voyant une nouvelle tentative de l'OEB d'ouvrir la porte à la brevetabilité du logiciel en Europe. Pour Alain Pompidou, le président de l'OEB, "la proportion des inventions implémentées au travers de l'informatique va croissante, du fait que l'innovation repose de plus en plus sur les technologies de l'information incorporées dans un nombre croissant d'équipements allant des voitures aux machines à laver en passant par les téléphones mobiles". Il ajoute toutefois que l'OEB n'a pas son propre agenda sur la question des brevets logiciels. En accord avec la convention européenne sur les brevets de 1973, l'OEB ne valide pas de brevets sur les logiciels en soi, mais il en accorde pour les inventions liées à des ordinateurs qui sont nouvelles, inventives et ont un caractère technique". Mais cette analyse est combattue par Florian Mueller de la campagne NoSoftwarePatents qui note que " ces inventions liées à l'informatique incluent des concepts comme les menus contextuels ou la vérification anti-virus d'un ordinateur et sont essentiellement la même chose que les brevets logiciels accordés par l'USPTO américain à ceci près que les descriptions sont formulées différemment de ce côté de l'Atlantique". Le parlement préconise une approche prudente vis à vis de l'EPLA Texte controversé, l'EPLA propose la création d'une unique Cour européenne pour juger des différends sur les brevets entre sociétés des 31 Etats membres de OEB (dont les 25 pays de l'Union). Cette proposition a l'appui du Commissaire européen en charge du marché intérieur, Charlie McCreevy, qui préconise que l'Union signe l'EPLA afin de réduire les coûts juridiques pour les PME mais aussi afin d'harmoniser un peu plus le système de brevet européen. Dans sa résolution votée aujourd'hui par 494 voix contre 109, le Parlement européen souligne le manque de contrôle démocratique sur le système de brevet de l'OEB mais aussi les doutes persistants sur sa politique d'attribution de brevets. Dans sa version française, le texte invite la Commission à exploiter toutes les voies pour améliorer l'actuel système de brevets et à étudier avec prudence l'adhésion de l'UE à la convention de Münich - un texte qui a servi de base à l'interprétation de l'OEB pour l'octroi de certains brevets sur des technologies logicielles. Du côté de la FFII (Foundation for a Free Information Infrastructure ) qui a activement milité contre l'EPLA, on se félicite d'avoir évité le pire : "Le compromis adopté par le parlement est très loin de la proposition initiale qui supportait activement l'EPLA" explique ainsi Gérald Sédrati-Dinet, le président de la FFI France. Ce dernier rappelle que la FFII continuera ses efforts de sensibilisation "pour rappeler que le système des brevets reste géré en cercle fermé par des administrateurs qui ont intérêt aux brevets logiciels". Les PME victimes du système Il est à noter que la position officielle du gouvernement français était nettement contre l'EPLA. Il en va de même des groupes Verts, PC et PS au Parlement européen. Dans un projet de rapport abandonné au profit du compromis, ceux-ci rappelaient que " les intérêts économiques de l'Europe, et en particulier de l'Europe du SME, ne sont pas servis par certaines décisions récentes de l'instance d'appel de l'OEB en faveur d'un champ extrêmement large des matières susceptibles de faire l'objet d'un brevet, comme la décision T 0424/03 - 3.5.01 du 23 février 2006 de maintenir un brevet sur les formats de données [de Microsoft, NDLA]". Ils se déclaraient aussi préoccupés du fait que l'EPLA pourrait "consolider une jurisprudence qui n'est pas dans la ligne des positions exprimées à différentes occasions par des majorités parlementaires sur le droit substantiel des brevets" et du fait que l'EPLA "ne réduirait les coûts de contentieux, que dans le petit nombre de cas (...), alors que le coût moyen de la plupart des poursuites en matière de brevet augmenterait, ce qui exposerait les PME à des risques accrus". Selon leur évaluation, le coût total d'un litige d'importance moyenne dans le cadre de l'EPLA serait de l'ordre de 97 000 euros à 415 000 euros, rien qu'en première instance. Des tarifs qui placent les PME en position de faiblesse par rapport aux grands groupes...