La séparation avant le mariage. Alors que les négociations pour le rapprochement entre Orange et Bouygues Telecom étaient dans leur dernière ligne droite, on a appris vendredi qu'elles avaient finalement capoté. Rien n'était joué d'avance, car les discussions débutées en décembre impliquaient d'autres parties prenantes comme l'Etat - actionnaire de référence d'Orange à hauteur de 23% - mais également SFR et Free, parties prenantes de l'équation pour récupérer des actifs de Bouygues Telecom afin d'éviter que l'opération ne se voit mettre des batons dans les roues par l'autorité de la concurrence et l'Arcep.

Depuis le 24 mars dernier, date à laquelle le ministre de l'Economie Emmanuel Macron a rencontré Stéphane Richard et Martin Bouygues, respectivement PDG d'Orange et Bouygues Telecom, la situation s'est donc fortement dégradée au point d'aboutir à un échec total de leur rapprochement. De nombreux points de blocage n'ont ainsi pas pu être levés, comme a pu l'indiquer Martin Bouygues au Figaro, parmi lesquels une impossibilité de s'entendre sur les modalités de répartition de certains de ses actifs avec Free. Sans le nommer directement, le PDG a ainsi lancé : « Si nous étions 4 à la table des négociations, nous n'étions que 3 à vouloir aboutir. Manifestement, l'un des protagonistes nourrissait l'ambition d'avoir le maximum en payant le minimum, tout en gardant la possibilité de se retirer. » Il ne fait aucun doute que, sans le citer nommément, Martin Bouygues vise ici Free.

Une porte de sortie de Free mal vue par Bouygues Telecom

« Xavier Niel craignait d’acheter quelque chose et de ne pas l’avoir », a d'ailleurs indiqué une source proche du dossier aux Echos. « Les baux des toits-terrasses où sont installées les antennes comportent des clauses prévoyant l’accord du propriétaire du site en cas de changement. Niel a alors posé une condition suspensive du deal, s’il ne pouvait pas récupérer au moins 75 % des baux. »

L'autre principal point de blocage a concerné l'Etat, qui s'est montré intransigeant sur certains aspects de la négociation, comme celui de ne pas voir Bouygues Telecom monter à plus de 12% du capital d'Orange. Il aurait pour cela usé d'un levier imparable en valorisant le plus possible l'action Orange : « Il n’est jamais descendu en dessous de 18,50 euros, ce qui remettait un écart de 363 millions d’euros de valeur sur l’opération alors qu’un équilibre était possible à 17 ou 17,50 euros », a expliqué une source aux Echos. mais ce n'est pas tout puisque l'Etat aurait aussi refusé à Bouygues Telecom de monter au capital d'Orange pendant sept ans et de renoncer à lui accorder des droits de vote double pendant dix ans. « La vision de l'Agence des participations de l'Etat nous réduisait à un rôle d'actionnaire minoritaire, avec très peu de droits, tout en nous demandant de payer le prix d'une participation majoritaire », a ainsi soufflé le PDG de Bouygues Telecom au sujet de sa montée au capital d'Orange dans le cadre de la cession de son entreprise à ce dernier.

Le retour à 4 opérateurs n'empêcheraient pas aux prix de remonter

Après ce retour à la case départ, c'est à dire celui d'un marché télécoms à 4 opérateurs, les clients ont sans doute de quoi se réjouir, ces conditions permettant de maintenir - pour cause d'environnement ultra concurrentiel - les prix vers le bas. Mais pas pour longtemps ? C'est en tout cas l'avis de Martin Bouygues : « Il faut être naïf pour croire que le marché français peut durablement fonctionner avec les prix les plus bas du monde dans le mobile et dans le fixe tout en ayant les investissements les plus élevés. La logique voudrait même à un moment que les prix finissent par remonter. »