« C’est le plus grand investissement industriel des dernières décennies hors nucléaire et un grand pas pour notre souveraineté industrielle : c’est 1 000 emplois à la clé ». C’est en ces termes que l’ancien ministre de l’Économie Bruno Lemaire avait annoncé le versement d’une subvention de 2,9 Md€ la part de l’État français à STMicroelectronics et à GlobalFoundries. Cet investissement public devait être réparti entre la société franco-italienne, pour un montant d’1,05 milliard d’euros, et l'entreprise américaine pour 1,85 milliard d’euros. Le contrat avait été signé le 5 juin 2023 dans le cadre du plan européen Chips Act et d’un projet baptisé Liberty. Ce dernier devait notamment contribuer à financer l’extension des capacités de production du site historique de Crolles, près de Grenoble, avec une installation capable de produire des wafers de 300 mm pour fournir des composants en 22 nm (22FDX ou FD-SOI) aujourd’hui et à terme en 18 nm (FD-SOI).
En contrepartie, STMicroelectronics devait créer un minimum de 1 000 emplois sur le site isérois. Or, deux ans plus tard, les résultats ne sont pas au rendez-vous. Les trois lignes de production qui devaient être créées n’ont pas été achevées et dans la foulée la société a décidé de supprimer des emplois en France. Une association de défense de l’environnement grenobloise, Actionnaires pour le climat, qui détient des actions de la société franco-italienne, s’est emparée du dossier. « GlobalFoundries s’est retiré du projet et de son côté STM qui a déjà touché près de 500 millions d’euros de subventions, selon Bercy, a annoncé la suppression de 1 000 postes en avril dernier ce qui va à l’encontre du contrat signé entre l’Etat et la direction de STMicroelectronics en France », nous a confié Pierre Janot, président de l’organisme.
Des engagements niés lors de l'assemblée des actionnaires
Dans une lettre datée du 13 novembre 2025 adressée à Roland Lescure, ministre de l’Economie, et des Finances, citée par nos confrères de Libération et que s’est procuré LMI, le collectif a rapporté : « A l’occasion de l’assemblée générale, des actionnaires le 28 mai à Amsterdam, Monsieur Chéry, PDG de STM déclarait n’avoir pris aucun engagement avec l’Etat quant à la création d’emplois, alors qu’un document prouve le contraire. Depuis, nous avons eu communication de la lettre d’engagement qui a fixé le cadre contractuel de cet accord. Il est stipulé que STMicroelectronics s’engage, dans la mesure où le projet Liberty atteint ses objectifs de capacité de production, à la création d’un minimum de 1 000 emplois à temps plein d’ici la fin de la phase d’installation du projet (2022-2027) sur le site de Crolles. De plus, un effectif au moins égal à ce niveau devra être maintenu jusqu’en 2032 en cohérence avec le volume de production du Projet Liberty », souligne l’association dans ce courrier.
Ses interrogations portent sur la conditionnalité des aides publiques, alors même que le CSE a été informé le 30 avril 2025 de la suppression à venir de 1 000 postes, dont 400 sur le seul site de Tours. Sur le seul exercice 2023, STM avait pourtant reçu 487 millions d’euros d’aides publiques dont 68% de subventions dans le soutien des investissements et l’innovation, 25% au titre du crédit impôt recherche et 7% sous forme d’allègement de cotisations sociales. Il semble acquis à ce jour que les projets de restructuration qui ont été engagés par la société sont totalement incompatibles avec les objectifs de création d’emplois tels que fixés dans le contrat du 5 Juin 2023 », dénonce Pierre Janot.
500 M€ supplémentaires versés par la BEI
Dans son courrier, le président de l'association estime difficilement concevable que la 4ème tranche d’aide publique à hauteur de 485 millions d’euros soit versée fin 2025 alors même que son bénéficiaire ne répond pas aux attentes mais aussi aux conditions suspensives du contrat. Pour lui, faute d’être remboursées, les aides publiques devraient, à minima, être suspendues, à moins que le bénéficiaire respecte les termes de son engagement.Contactée, la direction de STMicroelectronics n’a pu être jointe à l’heure où nous publions ces informations.
De plus, le spécialiste des semi-conducteurs a obtenu un financement supplémentaire de la banque européenne d'investissement (BEI) 500 M€, a annoncé ce jeudi l'organisme dans un communiqué. Celui-ci pourrait être porté à 1 Md€ dans un second temps

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