Sauf surprise, Neuf Télécom et Cegetel pourraient annoncer cette semaine leur mariage, officialisant ainsi des négociations entamées il y a déjà plusieurs mois. La fusion du numéro trois et du numéro deux français des télécoms (respectivement 1,4 et 1,17 Md¤ de chiffre d'affaires) a pour but de donner naissance à un groupe capable de rivaliser un peu plus équitablement avec France Télécom, qui contrôle toujours plus de 70% du marché du fixe.

Si elle se confirme, et sous réserve de l'approbation des autorités de la concurrence, cette fusion devrait sonner la fin de la récréation dans le paysage des télécoms français et marquer une période de trouble pour les plus petits acteurs dépourvus d'infrastructures en propre. Cegetel et Neuf Télécom sont en effet les deux principaux opérateurs d'infrastructures français, derrière France Télécom, et ils sont aussi les principaux fournisseurs de services dégroupés pour les petits FAI et opérateurs alternatifs. La fusion pourrait dès lors être analysée par l'ART comme la création d'un nouvel opérateur puissant sur le marché des infrastructures de transport et de collecte, avalisant ainsi la naissance d'un duopole à la française.

Malgré ses ambitions, le nouveau groupe devrait toutefois reste un nain face à France Télécom. Réunis, les deux opérateurs disposeront de 3,6 millions de clients fixes (dont environ 65 000 entreprises). En termes de clients téléphonie c'est à peu près l'équivalent de Tele2, qui revendique 3,5 millions d'abonnés, mais très loin de France Télécom, qui desservirait activement plus de 27 millions de clients (sur un total de 34 millions d'abonnés). Sur le marché du haut débit, le nouveau groupe desservira 850 000 abonnés ADSL, soit environ un tiers de moins que Free (1,2 million) et quatre fois moins que Wanadoo (3,3 millions). Et pour se faire une idée définitive du rapport de force, il suffit de regarder le chiffre d'affaires. Au seul premier trimestre, le segment des entreprises (téléphonie fixe et réseaux) a rapporté 1,5 Md¤ à France Télécom, soit l'équivalent du chiffre d'affaires annuel de Cegetel.

L'un des principaux défis du nouveau groupe ne sera sans doute pas de réussir la fusion de ses offres, largement similaires, mais de marier sans heurts deux infrastructures qui se recouvrent très largement. Chaque opérateur dispose en effet de son propre réseau optique national, de réseaux ATM et Ethernet, de commutateurs téléphoniques et d'interconnexion avec les commutateurs à autonomie d'acheminement (CAA) de France Télécom. Chacun dispose aussi de son propre réseau de DSLAM pour la fourniture de services ADSL. Avec un tel niveau de duplication d'infrastructure, les menaces de suppressions d'emplois au sein des équipes réseaux sont réelles. Ces dernières pourraient d'ailleurs être les premières à faire les frais des fameuses quêtes de synergie faisant suite à toute fusion. Pour les clients particuliers, les risques de perturbations sont sans doute mineurs, mais cela pourrait ne pas forcément être le cas pour les entreprises. La fusion pourrait aussi se traduire par une période de flottement et par des opérations de transition ou de bascule de réseau, comme cela c'est, par le passé, déroulé pour les clients de 9Télécom ou de Siris. Des opérations pas forcément toujours indolores.