Subissant de violentes secousses sur son marché historique d’opérateur télécom mobile - allant de la baisse continue de sa part de marché à l’échec de son rachat par Orange - Bouygues Télécom est bien décidée à croire en l’avenir. Un avenir qui pourrait s’écrire en trois lettres : IoT. Depuis 3 ans, discrètement mais sûrement, la filiale de Bouygues travaille ainsi de nouvelles technologies réseaux couplées à un gros travail de veille. Un travail qui l’a amené à s’intéresser de près à l’entreprise grenobloise Cycleo, connue pour sa R&D autour de la technologie basse fréquence, bas débit et basse consommation Lora, dont le développement s'est accéléré après son rachat par l’américain Semtech en 2013.

« Nous avions détecté cette start-up et avions réalisé avec eux des tests. Nous les avons accompagné dans la recherche et prêté à la fois des collaborateurs et des lieux pour les aider », nous a indiqué Stéphane Allaire, PDG d’Objenious. Interrogé sur le fait de savoir pourquoi Bouygues Telecom n’est pas allée jusqu’à racheter la jeune pousse, le dirigeant a indiqué : « Pas sûr, même avec la meilleure technologie possible, qu’une entreprise française toute seule aurait pu bouleverser et conquérir le monde ». L’histoire a donné raison au dirigeant français, Semtech n’ayant pas eu également les épaules assez larges pour soutenir seul Lora ce qui a abouti à la création de l’alliance Lora dans laquelle 300 industriels et 16 opérateurs télécoms mondiaux sont engagés.

Une autonomie certaine pour alléger la prise de décision

Voyant en Lora un potentiel business important, reposant non seulement sur la fourniture d’un nouveau réseau mais également sur des services IoT, Bouygues Télécom rejoint alors naturellement l’alliance. Mais l’opérateur ne s’arrête pas en si bon chemin et va jusqu’à ouvrir une filiale dédiée à l’Internet des Objets. Créée en novembre 2015, officiellement inaugurée 3 mois plus tard, Objenious bénéficie, au même titre que les autres filiales de Bouygues, d’une certaine autonomie. « Objenious est une filiale détenue à 100% par Bouygues Télécom dont le président que je suis est également le mandataire social ce qui présente tous les avantages d’une start-up en termes de prise de décision et de réactivité tout en bénéficiant de l’adossement à un grand groupe permettant d’être serein en ce qui concerne les moyens financiers dont nous disposons », explique Stéphane Allaire.

antenne Lora

Antenne Lora « coton tige » installée sur un point haut reliée à sa gateway, un boitier contenant les composants informatiques et électroniques IoT. (crédit : Objenious)

Aujourd’hui, la société compte une vingtaine de collaborateurs et travaille avec une dizaine de prestataires externes pour l’aider à développer sa plateforme IoT. En interne, les équipes sont à dominante marketing, commerciale, administratif/financier ainsi que partenariats pour gérer l’ensemble des relations avec les fournisseurs de services IoT, principalement des start-ups. Sans compter un architecte technique, même si les équipes de développement sont pour l’heure externalisées : « Nous avions besoin d’aller vite et nous nous sommes tournés vers de la prestation externe mais on envisage à terme d’internaliser une équipe de 4/5 développeurs », nous a précisé Stéphane Allaire. A noter que pour les travaux d’ingénierie cœur de réseau et R&D, Objenious peut, sans surprise, compter sur les compétences internes de Bouygues Télécom.

Chiffrement et bi-directionnalité pour des messages de 200ko

Travaillant de concert avec Semtech et Sagemcom (fournisseur de ses gateways IoT), la filiale du 3e opérateur télécom mobile français met un point d’honneur depuis plusieurs mois à densifier son réseau Lora. En France, Objenious revendique ainsi 1 000 antennes installées (soit le même nombre que l’opérateur français Qowisio mais moins que le concurrent Sigfox qui en est à 1 500 et qui met le paquet par ailleurs à l'international tout en ayant aussi un pied dans l'alliance Lora). Mais à la différence des autres opérateurs, il peut compter sur une couverture décuplée par l’ajout d’antennes sur les 15 000 points hauts où Bouygues Télécom est déjà présent. Un atout de taille que la société compte d’ailleurs bien conserver en continuant à creuser son avance : « D’ici 6 mois nous comptons ajouter 3 000 antennes supplémentaires pour arriver à 4 000 antennes déployées d’ici fin 2016. Nous couvrons les 32 plus grandes agglomérations françaises et comptons couvrir 90% de la population d’ici la fin de l’année », a fait savoir Stéphane Allaire. « Près de 800 points hauts seront aussi ajoutés d’ici fin 2017 ».

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Un compteur connecté sur le réseau Lora d'Objenious dans le cadre d'un projet pour une grande ville française. (crédit : Objenious)

Outre la densité du maillage de son réseau Lora, Objenious travaille également à l’amélioration de la technologie en termes de réception sous-terraine : « Nous travaillons avec une très grande ville de France pour tester des compteurs d’eau connectés jusqu’à 2 mètres sous terre. Sur 100 compteurs connectés, on a reçu de l’information provenant de 96 d’entre eux », raconte Stéphane Allaire. « Cela permet de détecter la consommation, voir les fuites mais également fermer à distance les compteurs ce qui est un avantage d’être sur une technologie à flux bi-directionnel ». Au niveau du cœur de réseau, Objenious met également en avant sa capacité de chiffrement AES 128-bits des messages envoyés (pouvant atteindre 200 octets) assurée par le tiers de confiance Atos-Bull. Autre chantier de taille, la géolocalisation indoor : « La technologie Lora est parfaitement adaptée à une utilisation à l’intérieur des bâtiments, comme des entrepôts par exemple. La seule contrainte sera de rajouter des antennes afin d’améliorer la précision de la triangulation », explique Stéphane Allaire.

Concernant le coût des projets IoT Lora, Objenious propose une tarification en fonction du nombre d’objets connectés à son réseau, allant de 1 euro par an à 1 euro par mois, en fonction du volume. A ce prix, il faudra rajouter le coût de quelques milliers d’euros par gateways, contenant toute l’informatique/électronique embarquée d’un réseau IoT plus celui des antennes. A ce jour, Objenious compte une vingtaine de clients en France, dont Ecotextile pour ses besoins aujourd’hui de suivi de marchandises et demain de taux de remplissage et d’optimisation des tournées de camions. En termes de revenus, la société indique déjà réaliser plusieurs centaines de milliers d’euros de chiffre d’affaires, tout en ne cachant pas vouloir faire exploser ses revenus ce qui serait bien entendu vu d’un bon œil par sa maison mère, seule et unique actionnaire. Cela tombe bien puisque Objenious vise plusieurs millions d'euros de revenus pour la fin de son exercice.