Le manque d'équipements et d'outils pour fabriquer les puces devrait prolonger la pénurie de composants jusqu'en 2024. C’est ce qu’a de nouveau expliqué le CEO d'Intel Pat Gelsinger, au cours d’une interview qu’il a accordée à l'émission TechCheck de CNBC pour commenter les résultats du premier trimestre de l’entreprise. Même si le fondeur a obtenu de bons résultats au premier trimestre, les perspectives du deuxième trimestre ne sont pas aussi positives, et l'action Intel en a souffert.

Pour répondre à la demande, les fabricants de semi-conducteurs ont dû relever un certain nombre de défis, suite, notamment, aux arrêts dans la production, imposés par la pandémie de Covid. Néanmoins, M. Gelsinger a spécifiquement incriminé le manque d'équipements de fabrication et la difficulté de construire de nouvelles usines de semi-conducteurs pour expliquer la pénurie actuelle. « Á cause de cela, nous pensons désormais que la pénurie globale de semi-conducteurs va perdurer jusqu’en 2024, au-delà de nos estimations précédentes qui la situaient à 2023, pour la simple raison que les pénuries touchent maintenant l'équipement, et que la mise en route de nouvelles unités de fabrication sera plus difficile », a déclaré M. Gelsinger lors de l'émission.

Un acteur incontournable : le néerlandais ASML

Si les entreprises capables de fournir des équipements pour fabriquer des composants bas de gamme ne manquent pas, l’entreprise néerlandaise ASML Holdings est la seule à maîtriser la technologie de l’Extreme Ultraviolet (EUV) utilisée pour graver des puces de moins de 10 nm. Or ASML a récemment déclaré qu'elle ne pourrait satisfaire que 60 % des commandes d'outils pour la fabrication de puces cette année. « La demande actuelle émane de secteurs industriels extrêmement variés », a déclaré, il y a deux semaines, Peter Wennink, le CEO d'ASML, lors d'une conférence téléphonique sur les résultats avec les analystes. « Elle est générale et nous avons considérablement sous-estimé son ampleur, au point qu’elle ne devrait pas s’atténuer de sitôt », a-t-il ajouté.

ASML fournit peu de fabs EUV. Les clients susceptibles d’utiliser sa technologie se comptent sur les doigts d'une main : Intel, TSMC et Samsung. Mais ces fonderies Extreme Ultraviolet sont monstrueuses. Le bâtiment est de la taille d'un stade de football et l'équipement de fabrication à l'intérieur est de la taille d'une petite maison. Ce n'est pas une fabrication banale, et ce n'est pas pour rien que la construction de ces fabs prend deux à quatre ans. La majeure partie des 20 milliards de dollars qu'Intel s'est engagé à dépenser pour construire des fabs EUV en Arizona n’est certainement pas destinée à couvrir le coût des bâtiments, de l'électricité, du chauffage, de la ventilation et de la climatisation…

La technologie de lithographie EUV (extrême ultraviolet) d'ASML utilise un rayonnement UV d'une longueur d'ondes de l'ordre de 13,5 mm en remplaçant les objectifs (ou masques dits « en transmission ») par une série de miroirs de précision (i.e. masques dits « en réflexion »). L'utilisation de cette technologie permettra de créer des images plus fines sur des wafers de 300 mm et donc de produire plus de puces ou avec plus de transistors. (Crédit ASML)

Même si les fabricants de semi-conducteurs ne dépassent pas deux douzaines, les équipements de fabrication représentent un très gros marché. En 2020, il atteignait les 50 milliards de dollars et devrait atteindre 84,8 milliards de dollars en 2028. C'est l'une des raisons pour lesquelles Intel développe son activité Intel Foundry Services de fabrication de puces pour d'autres entreprises. Lors de la conférence téléphonique sur les résultats avec les analystes financiers, M. Gelsinger a déclaré que, pour la première fois, les services Intel Foundry Services avaient généré un CA d’un milliard de dollars, et qu'Intel pouvait compter sur plus de 10 opportunités de contrats, à des stades de négociations avancés, dont la valeur globale s’élevait à plus de 5 milliards de dollars.