Si des études suggèrent qu'un grand nombre de projets IA échouent (potentiellement jusqu'à 95 %), de nombreux experts affirment que ce n'est pas la faute du modèle, mais celle des données qui le sous-tendent, parce qu’elles peuvent être fragmentées, inadéquates ou de mauvaise qualité. Salesforce entend s'attaquer à ce problème grâce à l'intégration de sa dernière acquisition, Informatica. La plateforme IDMC (intelligence data management cloud) sera intégrée à celles d’Agentforce 360, Data 360 et Mulesoft. Les analystes comme Rebecca Wetteman, dirigeante du cabinet Valoir.com ont qualifié cette intégration de « vraiment cruciale » pour Salesforce. « Ce qu’apporte Informatica en particulier, c'est cette riche couche de métadonnées. L’intégration montre aussi qu'Agentforce n'est pas limité par les données CRM, un point important pour le marché », observe l’analyste.
Agentforce 360 repose sur quatre couches : la première combine Data 360, Informatica et MuleSoft pour prendre en charge le contexte. La deuxième donne accès à 20 ans de logique métier et de workflows (ventes, service, marketing, commerce) intégrés à Salesforce. De son côté, la troisième est un « centre de commande » où les entreprises peuvent créer, gérer et orchestrer des agents spécialisés (comme ceux dédiés aux campagnes marketing ou à la logistique. Enfin, la quatrième est l'endroit où les entreprises déploient réellement les agents. La plateforme a été conçue pour être ouverte et extensible, afin que les entreprises ne soient pas limitées à l'écosystème Salesforce. « Elles peuvent utiliser des agents tiers, comme ceux intégrés à OpenAI, AWS, Microsoft Azure, Google Cloud Platform (GCP), Oracle ou des environnements hybrides », souligne Rahul Auradkar, vice-président exécutif et directeur général Unified Data Services, Data 360 & AI Foundations chez Salesforce.
Une compréhension globale de l'entreprise
Avec l'intégration d'Informatica, l'objectif est d'offrir une « compréhension globale de l'entreprise » en donnant aux agents accès aux données métier essentielles et à leurs relations complexes. « Nous combinons le modèle et le catalogue de métadonnées de Salesforce avec celui à l'échelle de l'entreprise d'Informatica afin de créer un index de données complet », a expliqué Rahul Auradkar, lors d'une réunion d'information. « Le MDM (Master Data Management) d'entreprise, optimisée par Informatica, fournira un « enregistrement de référence » pour les données relatives aux actifs, aux produits, aux fournisseurs et à d'autres domaines », a-t-il ajouté.
Les agents disposeront ainsi d'une cartographie des actifs sur l'ensemble des systèmes, qu'ils soient sur site, dans des lacs de données ou dans d'autres référentiels. Les fonctionnalités de data lineage (cycle de vie de la donnée) proposent également de suivre le parcours des données, de leur origine à leur ingestion. De plus, les capacités « zéro copie » signifient que les données n'ont pas besoin d'être déplacées, ce qui réduit les coûts de stockage. L'IDMC d'Informatica « met fin aux approximations » en se concentrant sur l'ensemble de la chaîne de données, en découvrant, nettoyant, protégeant et unifiant a rappelé Krish Vitaldevara, directeur des produits chez Informatica, lors de la conférence de presse. Il précise par ailleurs que Mulesoft fournit des éléments opérationnels concrets comme le changement de stock ou les retards de de livraison. Pour lui, cette capacité en temps réel est essentielle « un agent doit savoir ce qui se passe à l’instant présent ».
Apporter du contexte en temps réel
Krish Vitaldevara, d'Informatica, a souligné l'importance de la qualité, de la cohérence et du contexte des données, précisant que c'est ce qui permet d'en tirer toute la valeur. Mais les différents systèmes ont leurs propres langages, règles et vérités, et l'IA ne peut pas toujours avoir une vue d'ensemble, car les données sont dispersées, obsolètes ou incohérentes. « Nous savons tous que les données seules ne suffisent pas, et que le contexte est une nouvelle monnaie dans le monde de l'IA agentique », glisse le responsable. Le data lineage, les relations, la gouvernance : tous ces éléments indiquent à l'IA ce qu'est un produit, comment fonctionne un processus, d'où proviennent les données et si elles sont fiables. « Le contexte est l'équivalent numérique de la mémoire de travail et de la conscience situationnelle de l'IA », ajoute-t-il.
Un avis partagé par Rahul Auradkar, de Salesforce, s’accorde pour dire que les agents IA actuels ne voient que des « fragments » ; sans compréhension commune, ils sont contraints de deviner. « Les modèles sont incroyablement intelligents, mais ils ont tendance à être stupides », a-t-il rappelé. « Ils savent presque tout sur le monde, mais très peu sur vos activités. » Mais lorsque tous les systèmes, flux de travail et agents fonctionnent dans le même contexte, la prise de décision peut être considérablement accélérée. « L'IA devient plus précise et l'automatisation plus fiable », a renchéri M. Vitaldevara.
Aller au-delà des données CRM
« Qu'il s'agisse de créer des agents IA spécialisés (pour les ventes, le marketing ou le service client) ou des agents plus généraux destinés à des scénarios plus larges, les entreprises doivent aller au-delà des données CRM », a estimé l’analyste Rebecca Wettemann de Valoir.com. De plus, pour obtenir un « degré de précision raisonnable » avec l'IA, les données doivent être contextualisées et soutenues par une « véritable structure de métadonnées », a-t-elle ajouté. « La lignée des données fournie par Informatica réduit considérablement la courbe d'apprentissage et la courbe technologique », a encore expliqué l’analyste. De manière plus générale, en ce qui concerne les agents IA, elle fait remarquer que les entreprises ont évolué : la peur de tout gâcher (fear of messing up, FOMU) a remplacé la peur de passer à côté (fear of missing out, FOMO). « Elles s'inquiètent : elles se demandent comment conceptualiser l'intégration des données ERP pour informer un agent et s'assurer que A) ce sont les bonnes données, B) qu'il n'y en a pas trop, et C) que l’on ne surcharge pas leur infrastructure… Et enfin, et c'est peut-être le plus important, qu’elles ne dépensent pas une énorme somme d'argent », a-t-elle déclaré.
En effet, la tarification reste une priorité pour les entreprises, d'autant plus que Salesforce a évoqué une augmentation des prix de ses plateformes d'agents IA, la « monétisation » des nouveaux contrats IA et le retour à des contrats basés sur le nombre de sièges et l'utilisation. « Ce sont donc les prix, mais aussi la visibilité et leur prévisibilité qui retiennent vraiment l'attention des gens », a poursuivi Rebecca Wettemann. Pour répondre aux inquiétudes des clients d'Informatica quant à l'impact de cette intégration sur leur activité, celle-ci a évoqué d'autres acquisitions récentes (comme Tableau) pour lesquelles Salesforce a proposé une feuille de route claire et des mécanismes de soutien solides. « À en juger par la manière dont Salesforce a intégré Tableau et les clients de Tableau dans Salesforce, les clients d'Informatica n'ont rien à craindre », a-t-elle affirmé. Au cours de la réunion d'information, Salesforce et Informatica n'ont toutefois révélé aucun détail sur les licences ou les tarifs de la dernière plateforme intégrée, ni expliqué comment les clients actuels d'Informatica seraient pris en charge.

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