Réorientée en tant que « système d'innovation numérique » en juin 2017 lors de sa conférence Sapphire à Orlando, Leonardo de SAP prend aujourd'hui un nouvelle direction par rapport à son orientation IoT d'origine. Objectif : permettre aux clients de l'utiliser pour tirer aussi parti des technologies émergentes comme l'intelligence artificielle (IA), l'apprentissage machine, l'analyse avancée, blockchain... qui viennent chapeauter les données de l'entreprise.

Désormais, SAP veut donner à ses clients un moyen simple d'adopter toutes ces technologies émergentes pour résoudre des problèmes métier spécifiques. « Leonardo vise à accélérer le processus de création de valeur en trouvant des problèmes commerciaux généralisés et communs dans l'ensemble d'une industrie. Il s'agit de prendre en compte un problème métier propre à un client, de trouver les éléments communs à ce secteur, puis de définir les éléments d'une méthodologie, les technologies utilisées pour résoudre ce problème, les regrouper et les faire disponible comme accélérateur pour les prochains clients », a expliqué  Mike Flannagan, vice-président senior de l'analytique chez SAP. Et le directeur de l'innovation chez SAP, Juergen Mueller de préciser que l'éditeur suit désormais 196 scénarios de Leonardo contre 15 un an plus tôt. « Probablement dans un an, nous aurons un nombre de scénarios Leonardo à quatre chiffres », a-t-il ajouté.

La plus grosse évolution de SAP depuis Hana

Mais qu'est-ce que représente Leonardo précisément ? A ce stade, il peut être difficile de trouver une définition opérationnelle de cette plateforme car il s'agit d'un terme générique qui englobe un certain nombre de technologies SAP, toutes construites toutes construites autour de son PaaS. Lors de l'événement Sapphire de SAP en 2017 à Orlando, le co-fondateur et président du conseil de surveillance de SAP, Hasso Plattner, a qualifié Leonardo de « boîte construite autour d'un ensemble d'outils pour construire un système qui, avec des algorithmes d'apprentissage automatique, trouve des informations associables à des transactions dans un environnement SAP ». M. Plattner a réitéré que l'approche de SAP en matière d'IA et de machine learning est unique : « les clients disposent de toutes les données métiers importantes, des systèmes transactionnels SAP, et le fait de conserver ces données au même endroit est le meilleur moyen de les protéger. » Au cours de son discours de Sapphire, le CEO Bill McDermott a également déclaré que Leonardo est la plus grosse évolution de sa société depuis Hana. Comme Leonardo est construit sur SAP Cloud Platform, les clients « peuvent se procurer Leonardo et l'intégrer dans n'importe quelle architecture ou environnement », a expliqué Bill McDermott, car « SAP Cloud Platform est une plate-forme ouverte sur laquelle des clients non SAP peuvent commencer ». Cela inclut la possibilité de faire tourner les innovations découlant de Leonardo sur les trois principaux fournisseurs d'infrastructure de cloud public : AWS, Microsoft Azure et Google.

Leonardo : 3 façons de se jeter dans le bain

Mala Anand, présidente de Leonardo, avait déclaré en 2017 à propos de Leonardo : « On commence avec un problème commercial sur lequel nous appliquons nos méthodologies de conception pour définir la solution souhaitée et on cale un prototype pour prouver comment nous pouvons faire de la solution une réalité rapidement [...] L'objectif est de rassembler tous les éléments de l'apprentissage machine, du big data, de l'analytique et de l'IoT, de les intégrer et de les assembler sur notre plate forme cloud. En fin de compte, nous voulons produire des résultats permettant d'assurer la transition du modèle d'entreprise qui ne peut reposer que sur une seule technologie. »

SAP propose trois façons de démarrer avec Leonardo. Tout d'abord, les fonctionnalités Leonardo sont intégrées dans les applications SAP telles que Smart Insights au sein de SAP Ariba, Hybris et S/4HANA. Deuxièmement, pour des mises en œuvre rapides, SAP a publié lors de Sapphire en 2018, 23 kits d'innovation basés sur Leonardo taillées pour des industries spécifiques  et des cas d'usages dans le commerce de détail, les sciences de la vie, la fabrication et l'automobile. Par exemple, le kit Leonardo pour l'automobile donne un accès rapide aux connaissances de la flotte. « Cette application basée sur le cloud optimise les opérations de la flotte en regroupant les données des capteurs et les données métiers afin de fournir une vision globale de ses performances pour une prise de décision stratégique et une vue détaillée de chaque véhicule. »

2 200 courriels acheminés par apprentissage machine chez BASF

Enfin, à un niveau plus personnalisé, les clients peuvent soit inviter SAP sur site, soit visiter un centre de design global dont les 5 premiers sont à New York, Paris, Bangalore, Sao Leopoldo et Singapour (sept autres sont à venir prochainement en Silicon Valley, à Berlin, Moscou, Shanghai, Séoul et Tokyo). Une visite qui se déroule sur une journée de sessions de « design thinking » visant à identifier les cas d'utilisation clés auxquels les clients souhaitent apporter Leonardo, et se terminant par un prototype fonctionnel utilisant l'outil Build de SAP. L'éditeur fournit ensuite un accès à ce prototype pour que les employés puissent réagir immédiatement. En 2018, SAP a également annoncé avoir doublé le nombre de solutions proposées aux clients dans le cadre de la dernière initiative Leonardo Partner Medallion. « L'initiative Leonardo Partner Medallion élargit le nombre de solutions et d'équipes disponibles pour les organisations cherchant à innover avec la technologie certifiée SAP à partir d'un réseau mondial de fournisseurs de confiance», a déclaré le fournisseur dans un communiqué de presse. « Elle est conçu pour les intégrateurs de systèmes et les fournisseurs de technologies, et inclut des organisations mondiales et régionales pour servir les clients SAP dans le monde entier. » Parmi les premiers membres : Accenture, Capgemini, Deloitte, EY, HCL, Hitachi Consulting, la pratique SAP de Mindtree Bluefin, PwC, Wipro... Les premières solutions de l'initiative comprennent des scénarios pour les tablettes connectées et les inventaires pour les détaillants, la prévention des déraillements pour les opérateurs ferroviaires et la logistique de la chaîne du froid pour les industries pharmaceutiques, alimentaires et des boissons.

Un exemple d'entreprise travaillant avec SAP pour résoudre un problème utilisant le modèle Leonardo est le géant allemand de la chimie BASF, qui a construit un bot de routage d'email en utilisant les capacités Leonardo Machine Learning. Pedro Miguel Ahlers, directeur de la croissance numérique de la division chimie de performance de BASF, a expliqué à notre confrère de Computerworld UK lors de Sapphire en 2018: « Nous sommes allés avec un problème et avons travaillé sur la conception, pour comprendre le problème et parler ouvertement, puis concevoir un solution potentielle. » Le problème que BASF souhaitait résoudre était la manière dont les courriels de demande des clients entrants étaient acheminés, ce qui évitait aux employés des problèmes d'acheminement. La société a donc passé 5 mois à prototyper une solution d'apprentissage machine baptisée CuRT (suivi des demandes des clients) avant de passer dix semaines à la mise en œuvre pour une mise en service le 1er mars. Aujourd'hui, CuRT achemine 2 200 courriels par semaine (demandes de prix, plaintes...) pour la division des produits chimiques de performance de BASF, et se développe rapidement dans de nouvelles zones géographiques de l'entreprise.

Des atouts face à IBM, Microsoft et Google

Lorsqu'on lui demande comment Leonardo peut se démarquer face à des concurrents comme IBM Watson et Microsoft Azure offrant aussi des services cognitifs, le chef de produits et d'innovation à SAP, Bernd Leukert, met les pieds dans le plat : « Je suis d'accord, il y a une tonne de plateformes sur le marché, mais elles vivent dans un silo. En ouvrant notre système central, les clients peuvent accéder à toutes les données physiques, RH, informations qu'ils ont accumulées au fil des ans dans leur système ERP et les relier aux données des capteurs et même les combiner avec des données de marché externes [...] Nous passons par des traitement par lots et travaillons avec des API pour avoir une connectivité en temps réel dans le système d'exécution. Je ne connais aucune entreprise sur la planète qui puisse offrir cette connectivité et cette exhaustivité. »

Leonardo serait-elle sans concurrence face à Microsoft Azure ou IBM Watson ? SAP en est persuadé de par son côté agnostique en termes de choix de plateforme cloud de test ou de production et aussi par le fait d'avoir opté pour une approche de partenariat pour développer des capacités d'apprentissage machine au lieu de tout faire en interne. Notamment en recourant au projet open-source TensorFlow de Google pour ses algorithmes d'apprentissage machine et Nvidia pour le matériel servant à former ces algorithmes.

Un modèle de tarification annoncé comme particulièrement souple

Naturellement, le prix pour une solution comme Leonardo sera évidemment sur-mesure car il comprend de nombreux composants logiciels cloud, regroupés avec des services comme le processus de conception. Selon Mala Anand les clients n'auront pas à assembler des pièces et des pièces pour résoudre un problème commercial : « Nous utiliserons des services inclus qui personnalisent des éléments logiciels prédéfinis pour l'implémentation spécifique chez le client. Tout va arriver à un prix prédéfini et notre engagement est délimité dans le temps, de sorte que chaque client dispose d'un délai d'exécution accéléré. »

Mala Anand a également déclaré que les solutions les plus packagées seront proposés « à un prix fixe dans un délai fixe ». Lorsque l'on demande à quoi s'attendre en termes de tarif maintenant que SAP a publié son premier lot de kits d'innovation industrielle, la présidente de SAP a réagi de la sorte : « Nous avons travaillé durement parce que nous avons reçu beaucoup de commentaires de plusieurs clients désireux de consommer ces capacités pré-intégrées. Il est très important pour nous de simplifier le modèle de licence, le contrat et la tarification, ce qui est également un facteur clé de différenciation pour nous. Il s'agit donc d'un contrat, d'un prix unique et très facile à négocier, ce qui en fait le bon modèle d'abonnement ». Reste plus qu'à le voir pour y croire.