Comme l’annonce triomphalement sur son fil Twitter le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire, le Franco-Italien STMicroelectronics et l’Américain GlobalFoundries ont l’intention de construire dans l’Hexagone une usine de semi-conducteurs pour répondre à la demande des clients français et internationaux. « C’est le plus grand investissement industriel des dernières décennies hors nucléaire et un grand pas pour notre souveraineté industrielle : c’est 1 000 emplois à la clé », assure Bruno Lemaire. Dans le cadre du plan européen Chips Act, ST et GF bénéficieront d’une subvention de la part de l’État français pour construire cette unité de production. Il ne s’agit toutefois pas vraiment d’une nouvelle usine sur le sol français, mais d’une extension des capacités de production du site historique de Crolles, près de Grenoble, avec une installation capable de produire des wafers de 300 mm pour fournir des composants en 22 nm (22FDX ou FD-SOI) aujourd’hui et à terme en 18 nm (FD-SOI). La technologie de transistors 22FDX (FD-SOI pour silicium sur isolant entièrement appauvri) présente un rendement semblable aux FinFET (transistors 3D) et elle « apporte en outre des avantages significatifs aux concepteurs de produits et aux clients. Elle induit notamment une faible consommation d’énergie et l’intégration simplifiée de fonctionnalités supplémentaires, telles que la connectivité radiofréquence (RF), les ondes millimétriques (mmWave) et la sécurité, explique STM dans un communiqué de presse. Si la finesse de gravure semble peu élevée au regard des capacités de production de TSMC, Samsung ou Intel qui travaillent en 5 et 7 nm, les composants produits par STM et GF ne se destinent pas au marché de l’informatique (PC, serveurs ou smartphones), mais à celui du marché automobile (systèmes embarqués), de l’IoT et des infrastructures de communication. 

« Cette installation devrait atteindre sa pleine capacité d’ici à 2026, avec une production annuelle de 620 000 galettes de 300 mm à pleine capacité (avec 42% de la production pour ST et 58% pour GF) », indique STM dans son communiqué. Rappelons que STM possède une autre fonderie 300 mm à Agrate près de Milan, et GF une unité de production près de Dresde, en Allemagne. Celle d’AMD à l’origine puisque la naissance de GF remonte à 2009, quand – suite à des difficultés financières - AMD se sépara de ses usines, rachetées par le fonds souverain d’Abu Dhabi (Advanced Technology Investment Company), auxquels se sont joints un peu plus tard Chartered Semiconductor Manufacturing et les fabs d’IBM. Si GF a fabriqué un certain temps les processeurs d’AMD, ce dernier est passé chez TSMC en 2018 pour bénéficier d’une finesse de gravure 7 nm pour ses puces Zen, que GF était incapable de lui fournir. L’investissement était en effet trop élevé pour s’équiper en équipements de fabrication lithographique (EUV et DUV) capables de travailler en 7 nm. Si les entreprises capables de proposer des équipements pour fabriquer des composants électroniques bas de gamme ne manquent pas, l’entreprise néerlandaise ASML Holdings est la seule à maîtriser la technologie de l’Extreme Ultraviolet (EUV) utilisée pour graver des puces de moins de 10 nm. ASML fournit d’ailleurs peu de fabs EUV. Les clients susceptibles d’utiliser sa technologie se comptent sur les doigts d’une main : Intel, TSMC et bien sûr Samsung, qui font d’ailleurs partie de ses actionnaires.

Intel compte investir 33 Md€ en Europe 

Un mot pour finir sur l’investissement dont se félicite Bruno Lemaire : 5,7 milliards d’euros pour les nouvelles tranches à Crolles et près de 1 000 emplois créés à la clef. C’est peu si on considère les 33 milliards d’euros annoncés par Intel pour étendre son usine à Leixlip en Irlande (11,5 M€), le rachat de Tower Semiconductor en Italie (4,5 Md€ ) avec la mise sur orbite d’une usine de fabrication back-end avec 1 500 emplois créés et surtout la construction de deux sites de fabrication de puces en Allemagne, à Magdebourg en Saxe-Anhalt (17 Md€). De plus, ces fonderies ne travailleront pas en 18 nm, mais plutôt en 4 et 5 nm. Reste que très récemment, Intel a fait part de ses difficultés pour recruter des employés dans les fonderies. « La concurrence pour attirer des employés avec ces compétences est féroce », a déclaré Cindi Harper, vice-présidente des RH chez Intel. « C’est également un marché en faveur des candidats. C’est-à-dire que la demande est supérieure à l’offre actuelle ». « Il y a une pénurie de composants et de personnes capables de les fabriquer », a continué Mark Granahan, cofondateur et CEO d’iDEAL Semiconductor, une start-up âgée de cinq ans spécialisée dans les puces et basée à Allentown, en Pennsylvanie. « Mais ce n’est pas tout. En effet, ce n’est pas comme s’il manquait un type spécifique de personne ou de fonction. Le problème est généralisé ».