La course à la puissance de calcul n'est pas seulement de fond, elle est aussi sans fin. Alors que l'explosion des projets en transformation digitale émanant aussi bien des entreprises que des organisations publiques (smart cities, IoT, voitures autonomes, télémedecine...) a bel et bien lieu, les besoins en capacités de compute, mais également en réseaux, traitement en masse des données (big data) automatisées (apprentissage machine) ou pas, n'ont jamais été aussi importants. Dans ce contexte, les fournisseurs en pointe sur le calcul haute performance (HPC) rivalisent d'ingéniosité pour pousser sur le marché des solutions toujours plus puissantes, accessibles à un public plus large qu'auparavant.

« Les grandes tendances sociétales vont interagir et orienter les développements technologiques y compris le HPC. Ce n'est plus la défense et la sécurité qui tirent le marché mais l'industrie et la société et donc les individus et les citoyens », a expliqué Daniel Verwaerde, président et co-fondateur de Teratec dont le forum annuel se tient actuellement (11-12 juin 2019) à l'Ecole Polytechnique, à Palaiseau sur le plateau de Saclay. « Chaque entreprise et individu ont dans leurs mains une puissance de calcul qui rend la transformation digitale possible ». Pour sa première prise de parole en tant que président de Teratec, succédant à ce poste à Gérard Roucairol, Daniel Verwaerde a par ailleurs en introduction de l'événement mardi matin esquissé sa vision de la place de la France sur le marché du HPC, mais également du HPDA (analyse des données haute performance). « Les missions de Teratec et la stratégie de la France dans le HPC perdurent et sont d'actualité nécessitant de maîtriser l'ensemble des architectures à base de silicium, les applications et s'assurer de la capacité des chercheurs et ingénieurs à savoir les utiliser ». Et le président de Teratec de lancer : « La France ne doit pas être en retard dans la simulation numérique, le HPC et les usages HPDA ».

Teratec (Philippe Varin)

« Le paradoxe du numérique est que l'on a en France les meilleurs cerveaux, intégrateurs et providers de solutions et la start-up nation mais on a eu des surprises au niveau des territoires dans les têtes de filières », analyse Philippe Varin, président de France Industrie dans une allocution sur le forum Teratec 2019. (crédit : D.F.)

Le calcul haute performance comme élément de différenciation pour l'industrie française

Après 20 ans de déclin, l'industrie française panse petit à petit ses plaies, même si du chemin reste à faire. « Le déclin est enrayé, depuis 2 ans on créé plus de sites que l'on détruit avec 250 000 emplois bruts par an et un net après destruction d'emplois qui est positif », a indiqué de son côté Philippe Varin, président de France Industrie, invité pour un point sur la reconquête industrielle de la France. Cette dernière s'appuiera notamment sur le numérique, même si cela prendra du temps. « Le paradoxe du numérique est que l'on a en France les meilleurs cerveaux, intégrateurs et providers de solutions et la start-up nation mais on a eu des surprises au niveau des territoires dans les têtes de filières. Si l'aéronautique et l'automobile sont numérisées, ce n'est pas le cas pour le naval, l'alimentaire, le nucléaire, un peu dans la santé avec plus de data disponibles. Pour résoudre cette situation, des diagnostics numériques vont être étendus à 10 000 ETI, pilotés par les régions avec le soutien de Bpifrance qui met 80 millions d'euros dans des projets robots, 5G et simulation numérique ». Et Philippe Varin d'annoncer : « Le calcul haute performance est un élément de différenciation, il n'y a pas d'industrie forte qui ne soit pas numérisée. »

Pour relever les enjeux du HPC, la question du financement se pose immanquablement, mais également celle de l'engagement au niveau européen pour soutenir l'ensemble de la filière face à l'émergence des Etats-Unis, de la Chine ou encore de l'Inde dans ce domaine. C'est justement une des raisons qui a poussé la communauté européenne à unir les forces de ses pays membres dans une position commune pour le HPC, comme l'a rappelé la commissaire à la société et à l'économie numériques, Mariya Gabriel, dans une allocution enregistrée diffusée sur le forum Teratec. 

Teratec EuroHPC

L'initiative EuroHPC a pour ambition de favoriser l'émergence d'une filière commune entre les états membres de la communauté européenne pour lutter contre les initiatives américaine et chinoise en particulier. (crédit : D.F.)

Un supercalculateur de 60 Pflops possible en France

« L'UE a lancé à l'automne dernier EuroHPC qui porte la très grande ambition européenne en équipement supply chain, application, HPDA, big data et HPC qui revêt une importance stratégique », a expliqué Mariya Gabriel. « Dans un monde de plus en plus concurrentiel, l'avantage compétitif passe par la maîtrise du big data, la capacité d'innovation et la productivité industrielle dont le calcul HPC est un point commun et l'Europe un terrain privilégié des avancées technologiques pour être à la pointe industrielle, de la médecine, de la climatologie, de l'espace... »

Pour s'assurer que l'Europe ne prenne pas de retard dans ce domaine, des investissements sont effectués dans le HPC, soit 1,4 milliard d'euros sur la période 2019-2020 et 5 milliards supplémentaires entre 2021-2026 devant permettre à financer 3 supercalculateurs pre-exascale en Italie, en Espagne et en Finlande. La France n'est pas en reste avec le Tera-1000-2 du CEA et le tout dernier Joliot-Curie (remplaçant du Curie) basé sur un Bull Sequana et hébergé au CEA, conçu par Atos pour le Genci et dont la puissance de crête atteint 9,4 Pflops. « Sa capacité de production n'a rien à envier aux productions chinoises ou américaines et Atos-Bull serait aussi capable de faire du 60 Pflops pour autant qu'une entreprise soit prête à payer », pointe Daniel Verwaerde.