Alors que le projet de loi Dadvsi (Droits d'auteur et droits voisins dans la société de l'information) avait agité l'année 2006, l'année 2007 a été marquée par la mission Olivennes. D'un côté, l'industrie du disque et du cinéma estime courir à la ruine si rien n'est fait pour endiguer les échanges pair à pair. L'Ifpi (International federation of the phonographics industries), représentant des acteurs de l'industrie musicale, estime que plus de 20 milliards de téléchargements d'oeuvres musicales ont été réalisés en 2006. De l'autre côté, des associations de consommateurs estiment, selon les cas, que cette industrie n'a pas mis en place d'offre légale suffisamment attrayante, et/ou que les verrous numériques sont une contrainte inacceptable pour l'intéropérabilité, et/ou enfin que la menace est grandement exagérée. Mi-2007, Christine Albanel semble se ranger à l'avis des industriels. La ministre de la Culture indique qu'elle verrait d'un bon oeil le retour du concept de riposte graduée. Fin juillet, avec son habituel sens de la formule, Nicolas Sarkozy missionne Denis Olivennes pour explorer les moyens de lutter contre le téléchargement illégal en expliquant que « si on continue comme ça, on va tuer la Culture ». Le PDG de la Fnac présente début septembre les membres de sa commission, et ses objectifs : Denis Olivennes promet d'explorer plusieurs pistes, qu'il s'agisse de prévention, de répression, ou d'accroissement de l'attractivité de l'offre légale. EUCD.Info, qui avait lutté pied à pied lors du débat sur la Dadvsi ne désarme pas. Les FAI semblent quant à eux prêts à collaborer avec la mission Olivennes, tout en indiquant qu'ils n'ont aucune envie de se transformer en gendarmes. Le Blic et le Bloc, qui représentent les intérêts des professionnels du cinéma, se prononcent en faveur de la création d'une base d'empreintes numériques ; une façon de préparer le terrain à la mise en place de solutions techniques pour compléter les DRM (Digital Rights Management, ou MTP, Moyens de protection techniques). L'INA et TDF annoncent dans le même temps collaborer sur une solution technique commune. Remis au président de la République le 23 novembre et signé par les FAI, les professionnels du disque et du cinéma, le rapport Olivennes s'attire les foudres de l'UFC Que Choisir, qui dénonce une surenchère » répressive et « un rapport très dur, potentiellement liberticide, anti-économique et à contresens de l'histoire numérique ». Puis les réactions s'enchaînent. Pour l'April, (Association de promotion et de défense du logiciel libre), le rapport Olivennes est « la continuation de la dérive de ces dernières années vers la mise en place de polices privées du Net ». La question en effet n'est pas triviale, comme l'admet en creux la Commission nationale informatique et libertés : la Cnil estime que l'étude des préconisations de la mission Olivennes « pourra demander plusieurs séances plénières » . Et un avocat spécialisé en créations, médias et communications, estime que le rapport de la mission Olivennes reprend, d'une façon détournée, l'article 24 de la loi Dadvsi, annulé par le Conseil constitutionnel. Cette disposition prévoyait que la reproduction non autorisée d'oeuvres au moyen d'un logiciel d'échange de pair-à-pair était constitutive, non plus d'un délit, mais d'une contravention. Les FAI se déclarent pour leur part rassurés de ne pas être mis en première ligne. Ils devront simplement envoyer aux internautes soupçonnés de téléchargement illégal des messages « pédagogiques » . Côté professionnels du disque, la SCPF (Société civile des producteurs de phonogrammes en France) apprécie l'accord anti-piratage mais se déclare attentive au calendrier. De fait, le rapport Olivennes demande des efforts aux industriels (certains, comme Starzik, ont commencé à proposer une offre sans DRM) et aux FAI, et certaines mesures devront être transcrites dans le droit national. Autrement dit, c'est 2008 qui verra l'aboutissement de ces mesures anti-piratage. Néanmoins, la fin de l'année a marqué un certain durcissement : début décembre, la Cnil autorise la Sacem à procéder à la constatation des infractions au droit d'auteur sur le Web et à relever les adresses IP des contrevenants. Laquelle Sacem explique, dans une interview exclusive avec LeMondeInformatique.fr, que cela n'est finalement que le prolongement de ce qu'elle pratique depuis un siècle, en allant dans les bals et discothèques constater les infractions. Au final, selon un sondage CSA/NPA, les Français sont 56% à penser qu'il « sera possible dans l'avenir de lutter contre le téléchargement illégal sur Internet ».