Sur le terrain, toutes les études montrent que la gestion des factures reste, pour l’heure, un processus propre à chaque entreprise en fonction de sa taille, de sa structure interne et du volume de factures traitées. De leur côté, les grandes entreprises, qui ont déjà des solutions EDI en place, ont les moyens et les ressources de s’engager rapidement vers cette réforme de la facture électronique. Ceci étant, pour André Brunetière, directeur des produits et de la R&D chez Cegid, ces grandes entreprises sont attendues au tournant par l’État, car elles seront les premières à migrer. L’enjeu est donc important. Un avis que partage aussi Tristan de Broucker, chef de marché comptabilité et gestion commerciale -TPE et experts-comptables - chez Sage : « Dès lors que les grandes entreprises seront opérationnelles, il y aura un effet boule de neige sur toutes les autres entreprises, notamment les PME. » Pour Laurent Leboisne, directeur France de Weexa dont le groupe cible - en tant qu’éditeur spécialisé dans l’intégration de données et la dématérialisation des flux - les grands comptes, des ETI et grosses PME, les grandes entreprises sont déjà bien avancées sur cette réforme. « Nous réalisons déjà avec nos clients des factures dématérialisées au sens fiscal ; demain, c’est un élargissement à tout type de factures. » De son côté, Thomas Honegger, COO de Esker France Benelux, indique, en s’appuyant sur une étude réalisée par Esker en partenariat avec Opinionway, que le mouvement est bien lancé, mais cela reste un gros challenge. Il faut donc s’y préparer. Comment ? En identifiant dans l’entreprise les périmètres concernés, en cartographiant les processus de facturation, en vérifiant ses données (mise à jour des bases clients et fournisseurs) ou encore en considérant la conformité des outils.

Plus d’appréhension pour les petites structures et les experts-comptables

À l’opposé, de très nombreuses petites structures (qui représentent plus de 92 % des entreprises en France) gèrent encore les factures de façon artisanale en exploitant massivement Word ou Excel pour leur traitement et la voie postale pour leur expédition. De ce constat, les efforts se concentreront d’abord sur les TPE et les PME. Pour Grégoire Leclercq, directeur général délégué de l’éditeur de logiciels de comptabilité EBP dont le cœur de cible est justement les TPE et les PME, il subsiste encore une méconnaissance de cette obligation, mais le plus inquiétant pour le dirigeant est qu’un certain nombre de cabinets d’experts-comptables sont eux-mêmes éloignés de cette future obligation qui va vite arriver. « C’est d’autant plus urgent pour ces mêmes cabinets qui prendront en charge ce service de facturation que leurs clients ne voudront plus gérer eux-mêmes. » Pour Grégoire Leclercq, la facturation électronique est un choc comparable à celui de la DSN (Déclaration sociale nominative) en son temps qui a eu pour impact d’externaliser massivement la paie vers des prestataires externes. Pour André Brunetière, 50 % des experts-comptables qui ont atteint une certaine taille anticipent déjà cette réforme en mettant en place des processus. « Avec cette catégorie d’experts-comptables plus matures, nous sommes déjà dans une phase de co-conception. Mais il y a aussi les 50 % restants qui font d’abord du sur-mesure auprès de leur clientèle et ceux-ci sont plus attentistes, pour ces cabinets, nous sommes encore dans une approche pédagogique. » L’année 2023 sera donc perçue comme une étape importante de transition pour tous les acteurs (opérateurs de dématérialisation, éditeurs et revendeurs) afin de sensibiliser, former et accompagner les entreprises, les experts-comptables et leurs collaborateurs. « Le rôle de l’expert-comptable est bien évidemment primordial, chez Sage, nous avons mis en place des formations pour les accompagner et leur donner tous les décryptages de la réforme. Nous leur proposons d’ailleurs des outils pour évaluer la conformité. Pour les experts-comptables, c’est le bon moment de réaliser des audits auprès de leurs clients d’autant que le périmètre n’est pas le même en fonction des activités des entreprises », détaille Tristan de Broucker. Une chose est sûre, avec la facture électronique, le métier d’expert-comptable va aussi évoluer ou du moins se transformer vers plus de valeur ajoutée. « Étant donné que la tenue comptable sera automatisée, son expertise va davantage se porter vers le contrôle et les conseils apportés aux clients », affirme Tristan de Broucker.