Il ne suffisait pas de mettre les meilleurs produits sur le marché pour qu'ils se vendent, il fallait avoir aussi les contenus pour convaincre les consommateurs de les acheter. Sachant que la partie était perdue dans l'informatique en raison du quasi monopole détenu par Microsoft, Steve Jobs a décidé d'appliquer cette leçon à un autre secteur alors en pleine croissance, la musique. Prenant tout le secteur à contre-pieds, Apple a donc lancé son baladeur, l'iPod, en proposant une offre de téléchargement, iTunes. Le succès de ce couplage a montré que les consommateurs étaient prêts à payer pour une offre légale si le service était simple d'utilisation. C'est ce même modèle qui a été mis au point ensuite pour l'iPhone puis pour l'iPad. Au final, les revenus tirés de la vente de contenus représentent quelque centaines de millions de dollars pour Apple, une paille par rapport aux 25 milliards de revenus du groupe, mais cette activité est essentielle dans le succès des produits maison.

La révolution de l'audiovisuel

Comme le rappelait récemment l'Idate dans une étude consacrée au futur de la télévision, l'audiovisuel vivait jusqu'en 2005 dans un monde parfait. Les chaînes TV étaient les seuls agrégateurs de contenus audiovisuels et contrôlaient les consommateurs via le téléviseur. La numérisation des contenus et le développement des réseaux xDSL (et bientôt fibre optique) à haut débit ont fait exploser ce monde fermé, en faisant des réseaux télécoms un vecteur majeur de diffusion de la vidéo. Cette révolution se traduit notamment par une modification en profondeur du mode de consommation des produits audiovisuels, partout et à la demande. C'est ce qui rend les réseaux télécoms, fixes et mobiles, stratégiques. Mais si les opérateurs ne veulent pas devenir de simples tuyaux (« commodities »), ils doivent fournir à leurs abonnés les contenus qu'ils recherchent et ne peuvent pas se contenter de simples partenariats. La raison ? Les contenus se sont mondialisés, au bénéfice des producteurs américains qui ont la capacité de toucher via les sites en ligne, comme YouTube et Hulu (géolocalisé et encore inaccessible en Europe pour ce dernier), les consommateurs quel que soit l'endroit où ils habitent. Comme cette mondialisation des contenus a tendance à gommer les spécificités locales, notamment en Europe où le poids des programmes « made in USA » domine le paysage audiovisuel, les partenaires audiovisuels nationaux sont de moins en moins en capacité d'offrir aux opérateurs télécoms les programmes attendus par leurs abonnés.

Un passage devenu obligé, le web

D'autant qu'une épée de Damoclès plane au-dessus de la tête de l'audiovisuel européen. Jusqu'à présent, le financement de l'audiovisuel et du cinéma américains était en grande partie assuré par la revente des droits pays par pays. Un mode de financement qui pourrait connaître aussi un profond bouleversement, si les grands noms des médias américains décidaient de court-circuiter les acteurs locaux pour distribuer en direct leurs produits ou accorder des licences d'exploitation sur de grandes zones géographiques à quelques grands noms de l'Internet. C'est d'ailleurs un scénario soutenu par YouTube. Pour faire face à cette révolution, l'une des pistes d'avenir proposée par l'Idate évoquait une fusion verticale entre l'audiovisuel et les télécoms. Un scénario déjà mis en oeuvre en Grande-Bretagne par BSkyB, qui a racheté il y a quelques années un opérateur pour entrer sur le marché du haut débit. Une logique que met aussi en oeuvre, sans aller pour le moment jusqu'au bout, Canal + qui a conclu un véritable partenariat stratégique avec Free. Et de nombreux analystes affirment qu'un rachat par Vivendi de la participation de Vodafone dans SFR aurait pour conséquence de permettre à la chaîne cryptée d'entrer en direct sur le marché du haut (et très haut) débit en utilisant les infrastructures de SFR.