Avec le lancement mondial de sa suite logicielle Google Apps Edition Premium, l'éditeur américain Google ne se contente plus de vouloir proposer un ensemble d'outils bureautiques hébergés gratuits à des PME ou pour une utilisation personnelle. Ce sont les grandes entreprises qui sont cette fois visées. Non seulement pour l'usage de la messagerie Gmail et de l'agenda partagé, mais aussi pour celui des nouveaux outils de traitement de texte et de tableur en ligne (simplement nommés Document et Tableur, en français). Qu'on en juge. Ce matin, au siège de la filiale française, parmi les trois entreprises invitées à parler de leur projet autour de Google Apps, deux d'entre elles, Essilor et Nexans, comptent plus de 20 000 collaborateurs dans le monde, même si tous ne sont pas des utilisateurs potentiels des Google Apps. Et si la troisième, Médiamétrie, est une PME de 400 personnes, sa direction des systèmes d'information (DSI) ne rassemble pas moins de 70 personnes. Mais la perspective de gérer un nombre exponentiel d'utilisateurs n'effraie pas Google. Il se sent de taille. Et de citer en exemple, parmi les usagers pionniers de son offre, l'Université d'Arizona et ses 65 000 comptes de messagerie. 50 dollars par utilisateur et par an Sa nouvelle offre est d'ores et déjà disponible. Pour 50 dollars, par utilisateur et par an, on peut donc désormais exploiter en ligne l'Edition Premium des Google Apps (le prix en France devrait avoisiner les 40 euros). Outre les applications déjà citées, la suite comprend l'outil Start Page pour créer une page d'accueil, le logiciel Page Creator pour concevoir un site Web, la messagerie instantanée Google Talk, un antivirus et un antispam. La version Standard, gratuite, se distingue par un affichage publicitaire et son espace de stockage est de 2,5 Go par utilisateur contre 10 Go pour la version Premium. Mais les fonctions des deux suites sont exactement les mêmes. Il en existe une troisième, iso-fonctionnelle, pour l'éducation. Evidemment, l'offre destinée à la grande entreprise comporte la fourniture d'API (interfaces de programmation) qui lui permettront de s'intégrer aux annuaires d'entreprise ainsi qu'à d'autres applications. Des fonctions d'authentification unique (SSO, single sign on) peuvent également être mises en oeuvre. Pour les entreprises françaises conviées au lancement de l'édition Premium, le prix de l'abonnement reste un argument secondaire. Toutes trois s'apprêtent à lancer un projet pilote d'environ six mois pour juger concrètement des gains apportés par la solution. La principale inquiétude se concentre, comme on pouvait s'y attendre, sur les considérations de sécurité et de confidentialité des données. Celles qui seront gérées avec les Google Apps seront effectivement entièrement confiées aux bons soins de Google. Des outils de collaboration très attendus « Notre appréciation des gains sera plus qualitative que quantitative », prévoit Marc Guiraud, directeur technique d'Essilor (fabricant de verres correcteurs), pour qui le poste de travail sous Windows n'est actuellement plus à la hauteur de ce qu'on peut attendre. Adepte enthousiaste des logiciels de Google, il juge particulièrement claire l'interface de Gmail où s'affiche le fil des courriels reçus, livrant en un coup d'oeil l'historique des échanges. Julie Dorel, responsable des portails intranet et Internet du fabricant de câble Nexans, souligne de son côté le très fort besoin d'outils de collaboration entre les équipes sur le terrain, une nécessité également pointée par Essilor, les deux groupes intervenant sur plusieurs continents. Or, l'un des points mis en avant par Google sur sa suite applicative hébergée, c'est justement ses fonctions de travail en groupe. Le traitement de texte et le tableur permettent de modifier un document à plusieurs, en incluant une gestion des autorisations et des versions. Pour des collaborateurs dispersés à travers le monde, il est en outre intéressant de pouvoir, à partir de la même interface, consulter ses courriels, fixer un rendez-vous commun ou dialoguer sur le champ avec un collègue qui vient de se connecter, par l'intermédiaire de la messagerie instantanée Google Talk. Cette exigence de collaboration est partagée par la société de mesure d'audience Médiamétrie : « Le besoin de croiser les données augmente alors que nous travaillions autrefois par silos », explique son DSI, Jean-Marie Personeni. Pas de concurrence frontale, estime Microsoft Pour Microsoft France, comme pour Google d'ailleurs, cette offre en ligne ne vient pas concurrencer en frontal la suite bureautique MS Office, à la couverture fonctionnelle très étendue. Et lorsque l'on oppose à Fabrice Milhoud, responsable stratégie de Microsoft France, que la plupart des utilisateurs n'exploite qu'une faible partie des fonctions proposées dans Office, il avance la nécessité de répondre aux différents usages identifiés dans l'entreprise et aux demandes de toutes les catégories d'utilisateurs. Par ailleurs, il ne tient pas pour un avantage absolu le mode hébergé proposé par Google. « Avec MS Office Live, nous proposons une autre approche, plus complémentaire, en conservant une offre déconnectée et des outils en ligne pour l'enrichir. Nous pensons que, même demain, il n'y aura pas de monde purement online ». Il considère comme un inconvénient de devoir disposer d'une connexion Internet, pas toujours disponible, pour exploiter ses outils bureautiques de base. Même si, à l'inverse, Bill Gates évoque avec constance lors de ses interventions publiques un univers où l'on pourrait accéder constamment à ses données en ligne.