Intel a officiellement annoncé hier 26 juin la disponibilité de sa puce serveur Xeon 5100 "WoodCrest", une annonce accompagnée par une flopée de nouveaux serveurs signés IBM, HP, SGI... Après près de trois ans de domination technologique par AMD, qui s'est accaparé 22% du marché des processeurs pour serveurs avec sa puce Opteron, Intel s'est lancé dans une grande contre-offensive qui le place pour la première fois en tête en termes de performances sur le segment des serveurs biprocesseurs. Dans la pratique, les premières livraisons significatives de serveurs "WoodCrest" devraient arriver en août et c'est en septembre que les vraies livraisons en volume débuteront. Intel reprend la tête en termes de performances Le Xeon 5100 s'appuie sur la nouvelle architecture Core 2 d'Intel (comme la puce pour PC de bureau "Conroe" et la puce mobile "Merom"). Cette architecture permet à Intel de reprendre l'avantage sur son concurrent en termes de performances. Selon les applications et les tests, le fleuron de la gamme Intel, le Xeon 5160 à 3GHz, est entre 20 et 60 % plus rapide que l'actuel Opteron 285, il est vrai en fin de vie. En fait, si l'on compare le Xeon "WoodCrest" à l'actuel Xeon "Paxville", c'est un saut quantique qu'a réalisé Intel puisque selon Dell, un serveur à base de Xeon 5160 est environ 150 % plus rapide qu'un serveur équipé de son embarrassant prédécesseur tout en offrant une réduction de consommation de près de 60%. La progression est telle qu'Intel devrait logiquement conserver la couronne des performances jusqu'à la fin de l'année. Il faudra alors attendre le lancement des puces Opteron révision G (nom de code "DeerHound") pour qu'AMD espère de nouveau rivaliser. Guerre des chiffres sur la consommation Mais la bataille ne se joue pas que sur les performances. Elle devrait aussi se jouer sur la consommation énergétique et, sur ce plan, AMD apparaît encore très bien placé. Certes, le Xeon 5100 est bien moins gourmand en énergie que les actuels Xeon DP "Paxville", dont la dissipation thermique frisait il est vrai l'absurde. En combinant certaines des technologies d'économie d'énergie issues de ses développements sur les puces mobiles et un processus de fabrication en 65 nm, Intel est parvenu à ramener la consommation des Xeon 5100 à environ 65 W contre près de 165 W pour les actuels Xeon bi-coeur "Paxville". Seul le haut de gamme, le Xeon 5160 affiche une consommation supérieure, à environ 80W. Avec de tels chiffres, les puces Xeon affichent une consommation inférieure à celle des Opteron. Mais pour Bernard Seité, le directeur technique d'AMD France, il ne faut pas s'en tenir aux apparences : "Pour cette nouvelle génération, Intel a fait le choix de la technologie mémoire FBDIMM (Fully Buffered DIMM), afin de résoudre les problèmes de bande passante mémoire de ses puces serveurs. Or ces barrettes consomment 10,4 W contre 4 W pour une barrette DDR2". Sur un serveur biprocesseur typique avec 8 ou 16 barrettes mémoire, un système à base d'Opteron ne consommera que 32 ou 64 W pour la partie mémoire contre 83 W ou 166 W pour un serveur Xeon 5100 (un chiffre auquel il faut ajouter les quelques 25 W du contrôleur mémoire externe au Xeon). Une façon pour AMD de noter que si Intel a repris l'avantage sur les performances en environnement biprocesseur, l'Opteron reste la référence pour le rapport performance/consommation. C'est d'ailleurs l'une des raisons de la fidélité de Sun à AMD, explique Jean-Yves Pronier de Sun : " Nous sommes convaincus que même face à WoodCrest, l'Opteron conserve l'avantage en terme de ratio performances par watt sur le biprocesseur. Ce sera encore plus vrai en quadri-processeur ou Tulsa ; la future puce d'Intel consommera 75 W de plus qu'un Opteron, ceci sans compter la consommation accrue liée aux FB-DIMM..." Vers une nouvelle bataille au début 2007 En fait, la vraie bataille entre Intel et AMD devrait se jouer lorsque ce dernier aura basculé sa production en 65 nm, c'est à dire au début 2007. Pour Bernard Seité, "Intel a utilisé les habituelles recettes d'accroissement du cache pour doper ses performances afin de compenser les faiblesses de son architecture à base de front-side bus et il a utilisé la technologie 65 nm pour la réduction de la consommation". Le directeur technique d'AMD estime que l'avantage de son concurrent ne durera pas un trimestre :"Vers la fin du 4e trimestre 2006 ou au tout début 2007, nous basculerons notre processus de production sur le 65 nm et nous introduirons nos puces quadri-coeurs. Nous devrions alors reprendre l'avantage sur Intel". Rendez-vous est donc pris entre les deux géants des processeurs.