Pour la première fois, des électeurs ont pu, ce 4 mars, élire leurs députés par un vote électronique sur Internet. L'événement se déroulait en Estonie, un pays qui avait déjà tenté une expérience similaire en 2005, lors d'élections municipales. Alors que la France tente timidement quelques expériences de vote électronique, qui requièrent malgré tout un déplacement des citoyens le jour de l'élection, l'Etat balte offrait à ses administrés la possibilité de choisir leurs représentants sans quitter leur domicile. Il leur suffisait d'être munis d'une carte d'identité à puce électronique - ce qui est le cas d'une grande majorité de la population -, d'acquérir un lecteur idoine pour l'équivalent de quelques euros et de le connecter à un ordinateur. Après avoir inséré la carte dans le lecteur, il n'y avait plus qu'à s'identifier au moyen d'un mot de passe pour procéder au vote. Le système, qui autorisait un choix en ligne jusqu'au 28 février, permettait ensuite aux électeurs de corriger une éventuelle erreur en se présentant, le jour de l'élection, dans un bureau de vote pour déposer un bulletin dans l'urne. Au total, plus de 30 000 Estoniens ont procédé à l'élection par voie électronique, soit un peu plus de 3% des électeurs. Plus de huit citoyens sur dix déclarent leurs impôts en ligne L'Estonie tend à s'imposer comme un pays pionnier en matière d'usage des nouvelles technologies, une volonté de développement exprimée au lendemain de son indépendance, en 1991. Plus de huit citoyens sur dix y déclarent leurs impôts en ligne, les Estoniens peuvent accéder à Internet sans fil depuis la presque totalité du territoire ou payer le stationnement de leurs véhicules par téléphone mobile. Autant de signes apparents de modernité qui illustrent le rapide développement économique du pays tout en contrastant avec des données moins flatteuses comme l'espérance de vie des hommes, inférieure de quatre ans à celle des Chinois, ou l'inflation qui stagne à 4%. Au-delà du progrès technologique que représente le vote en ligne, et de son effet potentiel sur la baisse de l'abstention, il convient de relever deux limites à ce type d'initiatives. D'une part, le recours à Internet dans le choix d'un élu participe de la désacralisation du vote. L'acte citoyen ne repose pas seulement sur la simple désignation d'un homme ou d'un parti mais sur un ensemble de règles formelles qui entourent le suffrage. Le passage par l'isoloir, le mode de dépôt de l'enveloppe dans l'urne sont des exemples du caractère sacré que doit revêtir l'élection pour qu'elle conserve toute sa gravité et son importance. D'autre part, il est légitime de s'interroger sur la sécurité et l'anonymat entourant le vote par Internet. L'OSCE (Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe) était chargée de surveiller le bon déroulement des opérations. Son bilan fournira quelques éléments permettant de savoir si le procédé est aussi sûr que l'affirment les autorités estoniennes qui s'appuient sur le succès de banques en ligne pour défendre le système électoral : pourquoi craindre pour un e-vote quand on gère son argent online sans peur ?