Les premières puces  64 bits basées sur l'architecture ARMv8, annoncées en octobre dernier, seront bientôt vendues sous licence aux fabricants. « La production de masse des processeurs 64 bits démarrera en 2014, et seront intégrés dans des terminaux dans la foulée, » a précisé Warren East, le PDG d'ARM. L'arrivée de ces processeurs - noms de code Atlas et Apollo - pourrait se traduire par la sortie d'un premier smartphone 64 bits, lequel offrirait de meilleures performances, comparé aux terminaux actuels intégrant des processeurs ARM 32 bits. Ces processeurs pourront également offrir une plus large compatibilité avec des applications 64 bits dans les environnements Windows et Linux. « L'objectif est de cibler le haut de gamme dans le domaine des serveurs et des smartphones, » a déclaré Warren East.

Une montée en puissance de la gamme ARM

La plupart des smartphones et tablettes actuels intègrent des processeurs ARM. Mais le fondeur aimerait se faire aussi une place sur le marché des serveurs, dominé par Intel. ARM conçoit et développe des architectures processeurs qu'il revend ensuite sous licence à Apple, Texas Instruments, Nvidia, Samsung ou encore Qualcomm. Le fondeur a déjà licencié son processeur ARMv8 64 bits à quatre fabricants, dont Nvidia et AppliedMicro Circuits. « Les autres licenciés seront annoncés plus tard cette année, » a déclaré Warren East. Dans une présentation réalisée par ARM, on apprend que Nvidia travaille sur une version très attendue du processeur ARMv8-A destinée aux smartphones, tablettes, PC et serveurs, nom de code Project Denver. Quant au fabricant de puces AppliedMicro Circuits, il avait montré une puce 64 bits cadencée à 3 GHz l'an dernier.

Il y a toujours un délai de quelques années entre la mise au point d'une nouvelle architecture et la commercialisation d'un processeur. Par exemple, c'est en 2007 qu'ARM a dévoilé son processeur Cortex-A9 32-bits. Et les premières tablettes et smartphones intégrant cette puce ont été commercialisés l'année dernière. En 2010, ARM avait présenté son processeur Cortex-A15, lequel devrait équiper certains terminaux plus tard cette année. « L'arrivée de puces 64 bits pour les smartphones est attendue. D'une part, elle va permettre d'exécuter sur ces terminaux des applications, multimédias notamment, qui demandent plus de calcul processeur. Mais aussi parce que les fabricants veulent pouvoir augmenter la taille des blocs mémoire, » a déclaré Nathan Brookwood, analyste principal chez Insight 64.

« Le passage aux 64 bits dans les smartphones est inévitable. Les terminaux mobiles disposent en moyenne de 2 Go de mémoire et les processeurs ARM 32 bits actuels ne supportent pas plus de 4 Go, » a déclaré l'analyste. « En ce qui concerne les serveurs, l'utilité d'un processeur 64 bits est évidente, car les applications existent déjà et les exigences sont visibles, » a ajouté Nathan Brookwood. Les serveurs ont besoin de blocs de mémoire importants et de nombreuses applications sont déjà écrites pour l'adressage 64 bits.

Des serveurs moins gourmands en énergie

ARM destine ses processeurs aux centres de calcul « verts » et les fabricants de serveurs travaillent déjà sur des systèmes expérimentaux intégrant le processeur Cortex-A9 du fondeur. Hewlett-Packard a annoncé qu'il testait des serveurs à base de processeurs ARM et le supercalculateur hybride développé par Nvidia pour le Supercomputing Center de Barcelone (BSC) intègre une puce Tegra 3, architecture ARM, associée à des processeurs graphiques. « Le processeur ARMv8a va apporter aux serveurs des caractéristiques spécifiques en matière de sécurité et de virtualisation, » a précisé aussi Warren East. « Les puces 64 bits seront également rétrocompatibles. Elles pourront faire tourner des applications écrites pour les architectures ARM précédentes. » Le fondeur travaille également sur l'aspect logiciel pour accélérer l'adoption de ses processeurs 64 bits dans les serveurs. Une version de production de l'OS Ubuntu basé sur Linux a déjà été livrée, et une version Red Hat compatible ARMv8 est en cours de préparation.

« ARM va avoir une tâche difficile pour détrôner Intel dans le secteur du serveur. Cela fait plusieurs années qu'Intel fournit des puces x86 à ce marché sur lequel elle a une position dominante, » a estimé Nathan Brookwood. Cette année, Intel a également entrepris de marcher sur les plates-bandes d'ARM, en proposant son processeur 32 bits Atom Medfield pour les smartphones. « Avec quelques modifications, Intel pourrait sortir une version 64 bits de cette puce destinée à l'origine aux smartphones, » a ajouté l'analyste. Reste qu'ARM devrait aussi être difficile à contrer sur ce marché. Et pour l'instant, il n'y a pas d'urgence à proposer un processeur 64 bits pour smartphones.