Il n'y a presque plus d'adresses IP disponibles dans le monde selon un rapport de la Commission Européenne et l'IANA (Internet Assigned Number Authority). Ou du moins, d'adresses IPv4, auxquelles les administrateurs réseaux et utilisateurs sont familiarisés. C'est d'ailleurs pour pallier cette éventualité qu'IPv6 a été développé afin d'augmenter exponentiellement le nombre d'adresses IP disponibles tout en fournissant d'autres avantages. Le protocole présenté par l'IETF (Internet Engineering Task Force) mérite donc d'être étudié de plus près afin de déterminer en quoi il peut être en mesure de « sauver » Internet.

Des milliards de milliards d'adresses en plus

IPv6 utilise un adressage 128 bits, d'où l'augmentation du nombre d'adresses disponibles par rapport à IPv4 qui n'utilise qu'un codage 32 bits. Les experts du routage sont conscient des limitations d'IPv4 depuis les années 80, c'est à dire bien avant l'avènement mondial de l'ère Internet. IPv4 n'autorise techniquement qu'environ 4,3 milliards d'adresses. Or, tous les appareils connectés d'aujourd'hui (serveur, PC du bureau, notebook, netbook, tablette, smartphone...) se voient attribué une adresse. Mais celle-ci bien souvent provisoire pour la majorité des utilisateurs, notamment mobiles. Si l'on couple ce fait avec l'explosion du web en Chine et en Inde, il devient évident que le stock d'adresses IPv4 approche de sa fin. En utilisant des adresses codées sur 128 bits chacune, IPv6 peut, par comparaison, offrir à chaque individu des milliards d'adresses IP personnelles, remplaçant la future pénurie par une surabondance potentielle (667 millions de milliards d'adresses par mm² de la surface terrestre).

Une rétrocompatibilité artificielle mais efficace


IPv6 est rétrocompatible avec IPv4 par translation d'adresse, ce qui offre la possibilité aux constructeurs de matériel et aux fournisseurs d'accès Internet de passer progressivement à la version 6 du protocole sans perturber le flux de données actuel sur Internet. Cette fonctionnalité est particulièrement importante si l'on considère que le web est désormais utilisé pour l'actualité, le commerce, la sécurité nationale et autres domaines critiques. Le remplacement progressif d'IPv4 pourrait bien prendre des dizaines d'années, rendant d'autant plus cruciale cette translation pour un changement virtuellement transparent dans l'usage courant du web. Mais il est bon de précise que celle-ci n'est rendue possible que par l'usage de tunnels entre les protocoles, la compatibilité n'ayant pas été initialement prévue.

Sécurité et performances natives

Ce protocole a été conçu en intégrant nativement des principe de sécurité. IPsec est un composant optionnel d'IPv4, mais devient donc obligatoire avec IPv6. Chaque paquet de données est, via IPsec, crypté et authentifié, rendant difficiles, voire impossibles, la plupart des attaques commises sur Internet aujourd'hui. Des changements ont aussi été effectués sur la façon dont sont constitués les paquets et les en-têtes du protocole, ici simplifiés, mais aussi sur la façon dont les routeurs IPv6 gèrent ces flux de données pour améliorer les performances. Le but est de réduire le nombre de paquets manqués ou perdus, et d'établir des connexions plus fiables et efficaces. Optimiser les performances est aussi un enjeu crucial, les communications par VoIP et le streaming de vidéos étant par exemple des pratiques de plus en plus développées et nécessitant un haut degré d'exactitude des données échangées.

Néanmoins, les coûts de mise en place du protocole restent encore un frein à son déploiement mondial, et la demande est encore inexistante puisque la pénurie à venir ne se fait pas encore sentir de la part des utilisateurs. D'autant qu'un grand nombre d'entreprises et d'établissements publics ont provisionné des paquets d'adresses IPv4 pour pallier toute pénurie, ce qui ralentit d'autant plus le passage à IPv6.

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