Autant de démarches glanées par Tech for Food qui ont inspiré plusieurs écoles d'agronomie au point qu'elles envisagent la création d'un diplôme spécialisé. Le Centre international d'études supérieures en sciences agronomiques de Montpellier (SupAgro) devrait ainsi lancer, en partenariat avec l'Ecole des Mines d'Alès, un master d'ingénieur agronome-TIC. « L'Institut Lasalle Beauvais et l'université électronique de Manille ont aussi le projet d'un master 'Tech for Food', ajoute Jean-Paul Hébrard. A noter que dans ce rapprochement, c'est Manille qui apporte la compétence en électronique et Beauvais les connaissances en agronomie... » Toutes ces idées, Tech for Food les récolte, les compile depuis un peu plus de 6 ans. « Nous avons eu l'idée du colloque en 2002, raconte Jean-Paul Hébrard. A l'époque, 860 millions de personnes souffraient de la faim dans le monde et aujourd'hui, elles sont 940 millions. Or, les trois quarts sont des agriculteurs ! Pourtant, seuls 4% des fonds de l'ONU et d'autres organisations qui luttent contre la faim dans le monde vont à cette catégorie de population. » En dehors de ce premier argument, deux autres raisons ont poussé l'organisateur à créer le forum. Pour commencer, pour lui, les agriculteurs doivent aussi pouvoir continuer à vivre sur leurs terres et ne pas être contraints à l'exil comme souvent aujourd'hui. Enfin, il est légitime de les accompagner avec les nouvelles technologies. « Aujourd'hui, 15% de la planète seulement a accès à Internet mais la moitié a un téléphone mobile, note Jean-Paul Hébrard. Il suffit d'imaginer de nouveaux usages pour ce dernier. » Les satellites pour mener les troupeaux là où se trouve la nourriture Tech for Food a donc commencé avec un tour du monde virtuel des initiatives qui se développaient autour de cette idée. Le colloque ne promet pas que les nouvelles technologies résoudront la question de la faim dans le monde, mais il a pour objectif le partage des bonnes pratiques dans le domaine de la collaboration entre agriculture et TIC. Parmi les démarches identifiées avant 2008, on trouve celle de l'ONG Action contre la faim en Espagne. Elle teste l'utilisation des images satellites pour guider les touaregs et les peuls au Mali. Les nomades s'orientent ainsi directement vers les zones de pâturage qui correspondent le mieux à la taille de leur troupeau. Les informations sont envoyées par les chambres d'agriculture, ce qui évite aux éleveurs maliens de trop marcher vers des endroits où ils ne trouveront pas suffisamment de nourriture pour leurs animaux, de voir mourir ces derniers sur le trajet et finalement d'en perdre jusqu'à 80% à l'arrivée. Ailleurs, c'est le téléphone mobile qui affiche le prix des céréales et permet aux agriculteurs de mieux négocier avec les intermédiaires. « En Afrique de l'Ouest, par ce simple moyen, les revenus liés à la production du riz ont augmenté de près de 20% en un an, raconte Jean-Paul Hébrard. » Un réseau social au service des technologies contre la faim L'initiative de Jean-Paul Hébrard est, selon ses propres termes, une fusée à trois étages. Le premier est le forum destiné à faire venir les acteurs et à partager les informations. Le second devrait prendre la forme d'une charte de partage des bonnes pratiques. Enfin, l'organisateur de Tech for Food aimerait lancer une plateforme e-TechForFood de rencontre entre des besoins identifiés et des personnes ou des sociétés capables d'y répondre. Une sorte de réseau social au service des technologies contre la faim. Il attend seulement de trouver un acteur avec la puissance de feu suffisante pour concrétiser sa dernière idée.