« Ce qui m'a frappé, en préparant l'Open World Forum cette année, c'est de constater à quel point le logiciel libre est partie prenante de la révolution numérique dans tous les domaines, qu'il s'agisse du cloud computing, de la mobilité, du Web 3.0, de l'Internet des objets, ou encore de l'embarqué et des systèmes critiques, par exemple dans l'industrie aéronautique et la Défense », souligne Philippe Montargès, président de l'Open World Forum (OWF) 2010. Il fait remarquer que cette troisième édition de l'événement consacré aux logiciels libres et Open Source est particulièrement orientée sur l'ouverture de l'écosystème.

« L'infusion du Libre s'est finalement faite, à la fois sous l'angle technologique, mais aussi, et c'est là le plus intéressant, sous l'angle culturel. L'angle technologique correspond en partie à une logique économique de banalisation d'un certain nombre de logiciels qui sont réutilisés pour accélérer l'innovation. Mais désormais on voit aussi, culturellement, l'infusion du modèle Open Source ». Philippe Montargès explique que l'OWF 2010 a souhaité mettre l'accent sur cet aspect. « Le Libre se propage avec des solutions, des composants techniques, mais aussi par ce qu'il génère comme nouvelles possibilités dans des secteurs extrêmement variés. A côté des acteurs technologiques classiques, des 'pure players', de nouveaux modèles apparaissent. » Des acteurs industriels viennent se plaquer sur ces modèles culturels, constate le président de l'OWF : « Et nous sommes là, vraiment, dans l'émergence de nouvelles réussites économiques ». Il cite en exemple l'ouverture qui s'est opéré du côté des médias avec les réseaux sociaux, les Web TV, la production de contenus ouverts. « Cela permet de créer des modèles économiques qui  n'existaient » et fait éclore « une nouvelle génération d'entrepreneurs», note-t-il.

Une logique de destruction créatrice


Philippe Montargès regrette qu'il n'y ait pas plus de reconnaissance du rôle du libre sur ces aspects-là : « Ce modèle génère de la création de valeur. Directement, bien sûr, parce qu'il fabrique des composants qui sont robustes, accessibles, interopérables et économiques. Mais aussi par ce qu'il représente comme révolution culturelle sous-jacente qui fait émerger de nouvelles tendances. Nous sommes vraiment là dans une logique de 'destruction créatrice' au sens où l'entend l'économiste Joseph Shumpeter »

Dans un premier temps, on a cru que le Libre, par son côté générique, se construisait aux dépens de l'économique classique traditionnelle. « En fait, non, il génère de nouveaux modèles et il est donc par là même créateur de valeur », insiste le président de l'OWF 2010.

Cette année, le vent du cloud computing ne manque pas de souffler parmi les acteurs de l'Open Source réunis sur l'événement parisien. Une des principales conférences est consacrée à ce thème et des acteurs comme Red Hat, Canonical et Microsoft, parmi d'autres, abordent le sujet. « Le cloud computing constitue un enjeu fort pour les acteurs du Libre. Sur bien des aspects, son émergence a été facilitée par de nombreux composants libres », rappelle Philippe Montargès, en évoquant le risque de voir ces composants monétisés ou transformés en composants propriétaires.

Compatible One, l'un des projets phares du cloud

Se préparent en ce moment de grands projets qui peuvent être financés dans le cadre du grand emprunt dont Nathalie Kosciusko-Morizet, secrétaire d'Etat au développement de l'économie numérique, a parlé en ouverture du Forum, ce matin. Philippe Montargès cite en particulier 'Compatible One', l'un des projets phares du cloud, porté par le pôle de compétitivité francilien Systematic, mais soutenu par tout l'écosystème du logiciel libre. « L'objectif du projet consiste à fabriquer la boîte à outils du cloud, libre, Open Source, afin de permettre à de nombreux acteurs d'accéder à ce marché-là. Un marché fabuleux parce qu'il révolutionne la consommation de logiciels et de services informatiques ».

Interrogé sur la participation de Microsoft à l'OWF 2010, Philippe Montargès ne tique pas. Il rappelle juste que l'événement est porté par l'écosystème du logiciel libre, en France et en Europe, avec l'appui des pôles de compétitivité, de la région Ile-de-France et de la Ville de Paris. « Nous accueillons tous ceux qui veulent participer au Forum, dans cet esprit ». Mais il ajoute, à titre personnel, ne pas souhaiter en revanche que Microsoft puisse faire partie de l'organisation du Forum ou soit considéré comme un contributeur de l'événement. « Il vient pour donner son avis, mais il n'est pas contributeur. L'OWF est un événement multi-communautaire, multi-contributeur. Nous souhaitons garder cet esprit-là ».