Christine Albanel, la ministre de la Culture, verrait d'un bon oeil le retour de la réponse graduée sur le devant de la scène pour sanctionner les internautes coupables de télécharger des contenus soumis au droit d'auteur. C'est ce que la ministre a indiqué à nos confrères du Figaro à l'occasion de sa venue à Cannes. Rappelons que le projet de loi Dadvsi prévoyait la réponse graduée : un mécanisme consistant à condamner les internautes téléchargeurs à une amende plutôt que de leur faire encourir une peine de prison. Une disposition censurée par le Conseil Constitutionnel en juillet 2006, car non conforme au principe d'égalité devant la loi pénale. Cette censure du Juge suprême n'empêche cependant pas Christine Albanel de considérer que la « riposte graduée » - notons la disparition du terme « réponse » au profit de « riposte » - constitue une solution « de bon sens pour éviter le recours à des sanctions pénales disproportionnées ». De fait, pour que ce type de mesure soit applicable sans contrevenir à la position adoptée par le Conseil Constitutionnel, la ministre prône une collaboration intense entre les auteurs et les FAI : les premiers s'engageant à enrichir l'offre sur les plateformes légales, les seconds à endosser un rôle de gendarme en rappelant leurs clients à l'ordre en cas de dérapage, voire en initiant une procédure de règlement à l'amiable avec les sociétés de droits d'auteurs. C'est là le point essentiel de la position défendue par la ministre : la riposte graduée deviendrait contractuelle. En clair, l'amende pénale serait remplacée par une somme découlant d'une négociation entre l'internaute coupable et les représentants des auteurs. Le règlement du conflit s'en trouverait alors privatisé, et sortirait de la sphère judiciaire. La mise en place d'un tel mécanisme reposerait, en amont, sur la constatation du délit par la partie lésée. Si, jusqu'à présent, il convenait d'être autorisé par la Cnil pour scruter les réseaux P2P à la recherche des internautes s'adonnant aux téléchargements de contenus soumis au droit d'auteur, le Conseil d'Etat vient d'estimer que la commission de défense des données personnelles n'avait pas à prononcer d'interdiction dans ce domaine. Christine Albanel se félicite logiquement de cette décision - « elle ouvre une porte » - qui pose les fondations nécessaires à une privatisation de la constatation des infractions. Au final, la déjudiciarisation pourrait alors s'opérer sur deux fronts : d'un côté, les infractions seraient constatées par des personnes privées missionnées par les sociétés de droits d'auteur ; de l'autre, le règlement des conflits se passerait uniquement dans la sphère privée en mettant simplement en scène l'internaute, son FAI et les représentants des auteurs lésés.