L'Agence de sécurité nationale (NSA) américaine aurait piraté les serveurs de Huawei Technologies, espionné les communications de ses dirigeants et collecté des informations pour installer des portes dérobées sur le matériel du fabricant de réseaux chinois, indiquent le New York Times et Der Spiegel. Dans un communiqué adressé par courriel à nos confrères d'IDG News Service, la NSA a déclaré qu'elle refusait de commenter ses activités « spécifiques ou supposées » de renseignement à l'étranger. L'agence précise que « conformément à sa mission, ses actions visent spécifiquement et uniquement des cibles de renseignement étrangères ». Le constructeur chinois a indiqué que « si les révélations s'avéraient exactes, Huawei condamne toutes les activités qui ont permis d'infiltrer les réseaux internes et de surveiller les communications ».

Les révélations de la presse internationale alimentent une saga déjà bien fournie du cyberespionnage. Pendant des années, les responsables américains ont soutenu que l'Armée populaire de Libération de Chine (APL) travaillait avec des constructeurs et des groupes de hackers pour espionner les entreprises et les institutions gouvernementales américaines. Depuis juin dernier, des documents rendus public par l'ancien consultant du renseignement américain, Edward Snowden, et publiés par divers médias, attestent que la NSA a mené ses propres campagnes d'espionnage, y compris par le biais de programmes destinés à pirater les équipements réseaux vendus par des fabricants chinois.

Opération Shotgiant

Selon un article mis en ligne samedi par le New York Times, la NSA a réussi « à pénétrer » les serveurs du siège de Shenzhen, en Chine. L'objectif de l'opération, nom de code « Shotgiant », était de trouver des liens entre Huawei et l'APL, mais aussi d'installer des portes dérobées sur les équipements vendus par Huawei dans le monde entier, selon le Times.

Le journal se base sur un document de 2010 détaillant l'opération « Shotgiant ». Cependant, selon le New York Times, les opérations secrètes menées par la NSA contre Huawei remonteraient à 2007. Selon le document divulgué par Edward Snowden, l'agence a également espionné les communications des dirigeants de Huawei. Manifestement, un des objectifs de « Shotgiant » était d'introduire des portes dérobées dans les matériels de Huawei afin de surveiller les communications sur les équipements réseaux acquis par des clients de l'entreprise, alliés ou adversaires des États-Unis. L'article du Times ne précise pas si la NSA est parvenue à ses fins, « le gouvernement américain ayant interdit la publication des détails techniques de l'opération », explique le journal.

La NSA prend soin de faire un distinguo entre ses activités de surveillance courantes et ses actions visant la Chine. Les responsables du gouvernement américain et les dirigeants d'entreprises américaines affirment que la Chine mène contre eux des activités d'espionnage pour tirer un avantage commercial sur les États-Unis. « Nos opérations de renseignement à l'étranger ne consistent pas à voler les secrets commerciaux des entreprises étrangères pour le compte des entreprises américaines. Nos renseignements ne sont pas destinés à accroître leur compétitivité internationale ou à améliorer leurs lignes de produits », a déclaré la NSA dans un communiqué adressé dimanche par courriel à IDG NS. « Il est important de noter que ces opérations impliquent des mesures légales, des règlements, des décisions politiques, des procédures, des mesures de protection techniques, de la formation, de la culture et de l'éthique. La NSA doit tenir compte de tous ces facteurs avant de mettre en oeuvre ses actions de renseignement qui n'ont d'autre but que de défendre la nation », a ajouté la NSA.

Des backdoors dans les équipements réseaux de Huawei

Ces derniers documents faisant état de l'espionnage de Huawei par la NSA font suite à d'autres révélations selon lesquelles l'agence américaine aurait tenté d'installer des portes dérobées sur les équipements du fabricant chinois. Au mois de décembre de l'année dernière, le quotidien allemand Der Spiegel avait raconté comment la NSA interceptait certains matériels informatiques avant leur livraison pour y injecter des logiciels espions. L'opération avait été menée par l'Office of Tailored Access Operations (TAO) de la NSA, spécialisé dans l'infiltration informatique, selon le journal allemand. Les dernières informations publiées ce week-end montrent qu'en 2010, le TAO avait eu accès au siège de Huawei et qu'il avait pu espionner les communications de Ren Zhengjei, le fondateur de l'entreprise.

L'article du Times souligne aussi qu'aucun des documents révélés par Edward Snowden ne montre que les opérations de la NSA ont pu prouver un lien spécifique entre Huawei et l'APL. Pendant des années, des responsables du gouvernement américain ont soupçonné les fabricants d'équipements réseaux chinois de travailler avec l'APL. En 2012, une enquête parlementaire menée par des membres du Congrès avait encore mis en doute la sécurité des équipements réseaux de Huawei et de ZTE.