Slack a déposé une plainte auprès de la Commission européenne contre Microsoft. Le premier accuse au second de regrouper injustement son application de collaboration Teams avec sa suite Microsoft 365. Selon Slack, cette démarche permet à Microsoft d'abuser de sa position dominante sur le marché pour « faire fi de la concurrence en violation du droit de la concurrence de l'Union européenne ». « Microsoft a illégalement lié son produit Teams à sa suite bureautique et collaborative Office, dominante sur le marché, en forçant son installation auprès de millions de personnes, en bloquant son retrait et en cachant le coût réel aux entreprises clientes », insiste Slack dans son argumentaire.

Le CEO de Slack, Stewart Butterfield, a critiqué le comportement de Microsoft à de nombreuses reprises par le passé, notamment en affirmant que son rival gonfle son nombre d'utilisateurs réels. Bien que M. Butterfield ait déclaré que l’éditeur de Redmond n'est pas un concurrent direct, il a supposé dans les colonnes de The Verge en mai que Microsoft est « peut-être préoccupé de façon malsaine par le fait de nous tuer, et Teams est son moyen de le faire ».

Récidive de la part de Microsoft

Slack affirme que la décision de Microsoft de pousser l'adoption de Teams rappelle les précédentes batailles antitrust auxquelles le groupe a dû faire face. Microsoft a été accusé par la Commission européenne d'avoir associé son navigateur Internet Explorer à son système d'exploitation Windows dans une affaire réglée en 2009 : l’éditeur avait alors promis d'accroître l'accès aux plateformes concurrentes. Malgré cela, il a été condamné à une amende de 561 millions d'euros en 2013, lorsque les régulateurs européens ont déterminé qu'elle n'avait pas respecté ses engagements.

« Microsoft revient à son comportement passé », a déclaré David Schellhase, avocat général de Slack. « Slack demande à la Commission européenne de prendre des mesures rapides pour s'assurer que Microsoft ne puisse pas continuer à exploiter illégalement son pouvoir d'un marché à l'autre en regroupant ou en liant des produits », a-t-il ajouté.

Teams plus adopté pendant la crise du Covid-19

Après l'annonce de cette action en justice, Microsoft s'est engagé à travailler avec l'UE et a déclaré être « impatient de fournir des informations supplémentaires à la Commission européenne et de répondre à toutes les questions qu'elle pourrait avoir ». Le groupe a aussi ajouté que Teams s'est avéré plus populaire pendant la pandémie parce qu'il offre des options de vidéoconférence que Slack n'a pas. « Avec le Covid-19, le marché a adopté Teams en nombre record alors que Slack a souffert de son absence de vidéoconférence. Nous nous sommes engagés à offrir aux clients non seulement le meilleur des nouvelles innovations, mais aussi une grande variété de choix dans la façon dont ils achètent et utilisent le produit », indique Microsoft dans sa déclaration.

« Il n'est pas surprenant que Slack prenne cette mesure s'ils estiment avoir de fortes chances de réussir », estime Irwin Lazar, vice-président et directeur de service chez Nemertes Research. « Comme ils ont le sentiment que Microsoft s'efforce de vouloir les tuer, je m'attendais à ce que Slack utilise tous les moyens légaux qu'ils pensent pouvoir utiliser pour se défendre ».

Devenir la solution choisie au niveau entreprise

Microsoft a lancé Teams il y a trois ans, en mettant cette application concurrente de Slack à la disposition des abonnés d'Office 365 (aujourd’hui Microsoft 365). Teams compte 75 millions d'utilisateurs actifs par jour, a déclaré Microsoft cette semaine, soit une augmentation de 31 millions au cours du mois dernier. Ce développement est intervenu après l’arrivée fracassante de Slack sur le marché en 2015. L’éditeur compte 12 millions d'utilisateurs selon ses statistiques les plus récentes d'octobre 2019.

Avec Cisco Webex Teams, Slack et Microsoft Teams sont les applications de collaboration les plus largement déployées, selon une enquête de Nemertes Research. Celles de Cisco et Microsoft sont plus fréquemment déployées à l'échelle de l'entreprise, selon M. Lazar, tandis que Slack est davantage utilisé au niveau des divisions. Slack continue à vouloir atteindre ce niveau groupe pour rivaliser avec les deux autres éditeurs « et je suppose qu'ils espèrent que la validation de cette plainte leur permettra de mieux concurrencer Microsoft, en éliminant potentiellement les arguments "Teams est gratuit avec Microsoft 365" que sortent souvent les utilisateurs finaux », conclut Irwin Lazar.