Géant mondial du retail, Walmart fait souvent figure de modèle pour le secteur, par sa taille et sa capacité de transformation. Le chief revenue officer (CRO) de l'activité aux Etats-Unis, Seth Dallaire, est venu le 19 septembre partager son point de vue sur la situation avec les visiteurs de la Paris Retail Week. Premier constat, l'inflation n'affecte que peu le retailer américain qui continue en revanche de s'adapter aux divers phénomènes induits par la pandémie de 2020.

Seth Dallaire a en effet rappelé que Walmart avait toujours centré sa stratégie de vente sur les prix. L'inflation qui s'accroît depuis l'an dernier ne lui ainsi pas nui. Le CRO affirme non seulement avoir maintenu l'intérêt des foyers à revenus bas et moyens, mais avoir aussi attiré une partie des ménages à revenus élevés qui « retrouvent les marques auxquelles ils sont habitués, à des prix raisonnables. »

Le changement pérenne des comportements des consommateurs

En réalité, plutôt que l'inflation, ce sont les changements de comportements de consommation liés à la pandémie qui continuent de bousculer l'organisation de Walmart, et d'autres retailers internationaux. Depuis 2020, comme le confirme Seth Dallaire, la très grande majorité des clients se sont habitués à combiner achats en ligne et en magasin, jonglant aisément entre commandes sur les sites, achats en physique, click-and-collect, drive, etc. Autant d'évolutions qui imposent des réorganisations de processus, de logistique, de gestion d'inventaire, etc. et une stratégie data sur laquelle s'appuyer. « C'est un domaine dans lequel tous les retailers vont devoir investir », affirme Seth Dallaire.

Pour s'adapter aux évolutions des consommateurs et du retail, de nombreuses questions se posent que le CRO de Walmart US égrène : « On doit savoir où se trouve son inventaire à n'importe quel moment. Savoir si le produit est dans le magasin. Et si c'est le cas, s'il se trouve dans les stocks dans le fond ou déjà en rayon. De quel espace, il dispose. A quel moment il est sorti du magasin, si c'est le cas. » Autant d'étapes de l'activité de retail qui sont data driven.

Un service de ventes de données aux industriels

« Nous investissons lourdement afin de mieux comprendre tous ces éléments, pour nos fournisseurs qui nous demandent désormais beaucoup plus d'informations », poursuit Seth Dallaire. Walmart partage déjà certaines données avec ses fournisseurs depuis plusieurs années, mais sans contrepartie. En septembre 2022, il y a un an, il a cependant changé de stratégie et a ouvert son Walmart Data Ventures. Une entité au travers de laquelle il vend, en particulier aux industriels, des ensembles de data de tous types sur les ventes, les comportements des consommateurs, la logistique, etc. « Nous investissons dans des solutions qui leur donneront des informations plus fines, plus précises. Par exemple, sur le nombre de produits de tel industriel qui ont été livrés il y a 24 heures vers un magasin particulier, dans une zone géographique particulière. » Et Walmart fournit ces informations aux industriels via une API, dans un format qui permet à leurs data scientists d'interroger directement la donnée.

Avec des bénéfices pour toute la chaîne, selon le CRO. « Les industriels peuvent par exemple avoir l'habitude de livrer tel magasin le lundi, tel autre le mardi, encore tel autre le mercredi, etc. Mais avec suffisamment d'informations pertinentes, ils peuvent se rendre compte qu'il est plus efficace de privilégier les magasins où leurs produits manquent et ne pas livrer ceux où ces produits sont encore en quantité suffisante. » Ce réajustement de l'organisation bénéficiant autant aux industriels qu'au retailer, selon Walmart, et même aux vendeurs de la marketplace. « Si nous pouvons investir dans de la data qui rend nos fournisseurs plus efficaces, nous pouvons aussi répercuter ces sources d'efficacité sur le client. »

La data au service de la complémentarité entre magasins et online

La data est aussi un incroyable accélérateur pour rendre l'expérience du magasin physique bien meilleure pour le client quand il décide de s'y rendre en personne, selon Seth Dallaire. « Un élément crucial dans le retail, online ou en physique, c'est bien sûr la place que vous donnez aux produits : l'espace, le type d'exposition, le nombre de caractéristiques, etc. Ce sont des décisions business critiques. Si elles ne sont pas enrichies par de la donnée précise en la matière, partagée avec les industriels et les vendeurs de la marketplace, elles sont moins efficaces. »

Interrogé sur le futur du retail, Seth Dallaire rappelle : « j'ai passé la majeure partie de ma carrière dans le e-commerce et la technologie. Ce sont deux éléments importants dans le futur dur retail. Mais chez Walmart, j'ai découvert une des plus impressionnantes empreintes de magasins physiques. Et c'est vraiment la complémentarité entre le shopping en ligne et le magasin traditionnel qui me semble centrale. » Le groupe américain dispose de 4600 magasins aux États-Unis pour un total de près de 10 500 dans le monde et est présent dans un rayon de moins de 10 miles (16 km) de près de 95% de la population américaine. « Dans un environnement où on parle beaucoup online, omnichannel, digital, e-commerce, il faut comprendre l'importance que revêt le magasin. Avec le Covid et le click-and-collect par exemple, il a repris une place centrale et Walmart US a évidemment un énorme avantage en la matière », insiste Seth Dallaire.