Dans son rapport annuel, la Cour des comptes se penche en particulier sur le système d’information des ressources humaines de l’Education Nationale, appelé SIRHEN. Né en 2006, ce programme avait pour vocation la modernisation et le remplacement des SIRH historiques du dit ministère. Mais il n’a cessé d’accumuler les retards et les dérapages financiers. Après plusieurs tentatives de sauvetage, Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Education Nationale, a décidé en juillet 2018 d’arrêter ce grand projet informatique de l’Etat. « Il apparaît clairement que le programme SIRHEN n'est pas parfaitement adapté aux enjeux de gestion des ressources humaines et technologiques d'aujourd'hui. Par conséquent, j'ai décidé de réorienter notre action vers un dispositif plus agile et plus efficace au bénéfice de notre mission de service public », expliquait alors le ministre.

La Cour des comptes s’est donc penchée sur l’après SIRHEN et le moins que l’on puisse dire est que l'avenir est dans une impasse. Dans un historique bien documentée, les sages de la rue Cambon rappellent les problèmes congénitaux du programme : une gouvernance introuvable, un recours trop important et non maîtrisé à l’externalisation, un faible outillage pour assurer le pilotage du projet, et un dérapage des dépenses. Sur ce dernier point, ils soulignent qu’au jour de l’arrêt de SIRHEN, le projet avait coûté 378 M€ (charges de personnel comprises). En septembre 2019, « en raison des dépenses de maintenance de l’outil SIRHEN gérant toujours les 18 000 agents transférés, les dépenses totales du programme dépassent les 400 millions d’euros », explique la Cour. Un peu cher pour un outil qui ne gère que 2% du personnel.

Des scénarios en attente de validation, une sécurisation engagée

Le problème pour la Cour des comptes est qu’aujourd’hui, il y a une absence d’alternatives crédibles. « Plus d’un an après l’arrêt de SIRHEN et malgré les travaux réalisés avec un nouveau consortium de consultants, pour un coût de 2,6 millions d’euros, le ministère ne dispose que de macro-scénarios et n’a pas déterminé de nouvelle trajectoire physico-financière comportant un calendrier et une prévision budgétaire pluriannuelle », constate de manière lapidaire la Cour. Sur ces macro-scénarios, il en existe cinq qui sont tous proches les uns des autres. Ils reposent sur «l’usage d’un logiciel interministériel éprouvé de gestion RH (RenoiRH), qui nécessitera des développements spécifiques pour le ministère de l’Education Nationale, et du recours à des applications « sur étagère » pour compléter la couverture des processus RH ». Le problème est que cet éventail de solutions reste soumis à un arbitrage ministériel qui se fait attendre.

Au cœur du problème le sort de SIRHEN. En effet, la Dinum privilégie son arrêt définitif et, donc, de passer à l'as les 400 millions d’euros déjà investis dans la plateforme. Le ministère quant à lui préfèrerait préserver l’outil SIRHEN existant en continuant d’y gérer les personnels déjà intégrés et en assurant une transition vers des solutions plus modernes. Pour financer cette vision, le ministère plaide pour une enveloppe de 30 millions d’euros par an pendant 10 ans. La Cour des comptes reste dubitative sur cette estimation budgétaire, où « en l’absence d’indication précise,…, il est impossible d’apporter une appréciation sur sa crédibilité ».

Petite note d’espoir dans la dérive du projet, la sécurisation des SIRH historiques a été engagée. Elle « devrait prendre deux ans pour une dépense de 8 millions d’euros. Ces travaux doivent assurer leur pérennité pour au moins dix ans et ainsi prémunir le ministère d’un incident majeur », constate la Cour tout en soulignant que « ces travaux d’un coût très modéré, pour un gain important de fiabilisation, n’aient pas été engagés plus tôt ». Elle demande donc au ministère de poursuivre cette sécurisation et l’enjoint à fixer un cap clair et précis pour le SIRH de l’Education Nationale, avec le risque sinon de couler définitivement.