Le fait est suffisamment exceptionnel et surréaliste pour être souligné : pour la deuxième fois en quelques jours, des personnes du service public sont en grève et mettent clairement en cause l'analyse des chiffres sur lesquels ils travaillent et qui devraient être publiés par leur employeur, l'Etat. Des agents de la Darès, soutenus par d'autres de l'Insee et de l'ANPE ont constitué une intersyndicale, sortant de leur réserve pour demander au ministère de l'Emploi de ne pas publier les chiffres du chômage ce 26 avril au soir. Ils réfutent les chiffres sur la baisse du nombre de chômeurs en France, de simples « estimations » selon eux. Ils rejoignent les théories du collectif Les Autres Chiffres du Chômage (ACDC) qui, depuis décembre 2006, dénonce la sous-estimation du nombre de demandeurs d'emploi. Une lettre de statisticiens avait été adressée le 15 mars au ministre Jean-Louis Borloo : « Le personnel de la Darés demande la suspension de la publication des estimations mensuelles provisoires du chômage au sens du BIT, tant que celles-ci ne seront pas améliorées. La Darés ne doit pas engager sa crédibilité scientifique sur des chiffres ne reflétant plus les évolutions réelles du chômage au sens du BIT. » Or, en période électorale, cette contestation revêt une dimension politique. Au-delà de la polémique, cette bataille de chiffres pose plusieurs problèmes : le premier concerne les méthodologies à prendre en compte. Il serait utile que des indicateurs fiables soient choisis par les acteurs. Le deuxième est celui de la véracité des sources sur lesquelles s'appuient les experts en amont de la chaîne. Le troisième en découle : les journalistes chargés de diffuser une information incontestable sont aujourd'hui confrontés au choix de répercuter, ou non, ces sources. Et, en attendant une explication salutaire entre les deux parties, comparer ces chiffres avec ceux d'Eurostat et du BIT semble nécessaire.