ChatGPT fait encore parler de lui. L’IA générative lancée il y a quelques mois maintenant par OpenAI est un véritable phénomène. S’intégrant dans de nombreuses applications telles que Zoom, GitHub, LinkedIn, Salesforce ou encore Microsoft 365, le chatbot s’est également emparé de la navigation web sous forme de plug-in. Toutefois, la semaine dernière, la FTC aux Etats-Unis a été saisie d'une plainte d'une association l'exhortant à agir contre OpenAI et sa solution jugée trompeuse, biaisée et constituant un risque pour la sécurité publique. De son côté, le garante italien pour la protection des données personnelles (GPDP) a bloqué le site Web d'OpenAI hébergeant le modèle (faisant progresser par la même occasion de 117% les abonnements VPN dans le pays, souligne ExpressVPN). Les autorités cherchent à savoir si le logiciel collecte illégalement des données sur les citoyens et doit vérifier l'âge des utilisateurs, le service étant normalement interdit aux mineurs de moins de 13 ans. L'Italie est ainsi devenue le premier pays à mettre le holà à ChatGPT, ce qui n’a pas manqué de faire réagir d'autres pays de l'UE.

Cette semaine, le commissaire fédéral allemand à la protection des données et à la liberté d'information, Ulrich Kelber, a déclaré que le pays pourrait, en théorie, également suspendre temporairement ChatGPT s'il estimait que la technologie violait le règlement général sur la protection des données (RGPD) de l'Union européenne. Dans le même temps, les régulateurs de la vie privée en France et en Irlande ont contacté leurs homologues en Italie pour en savoir plus sur le fondement de l'interdiction, a rapporté Reuters. « Nous suivons le régulateur italien », a déclaré un porte-parole du commissaire irlandais à la protection des données. « Nous nous coordonnerons avec toutes les autorités de protection des données de l'UE en ce qui concerne cette question ». Face à cet engouement pour les IA génératives, les commissaires à la protection de la vie privée s’avèrent favorables à plus de réglementation tandis que les gouvernements sont plus indulgents. En France, le ministre délégué chargé de la Transition du numérique, Jean-Noël Barrot, s’est confié à La Tribune, faisant bien comprendre qu’il n’était pas question d’interdire ChatGPT.

Le gouvernement dit oui à ChatGPT, la Cnil ne se prononce pas encore

« La stratégie de la France est simple. La première des choses est de pouvoir maîtriser cette technologie plutôt que d'en subir des versions qui viendraient de puissances avec qui nous ne partageons pas toutes nos valeurs » indique ainsi Jean-Noël Barrot, avant de répondre négativement à la question de savoir s’il faut interdire ChatGPT comme l’a fait l’Italie. « Une fois qu'on maîtrise la technologie plutôt qu'on la subit, la deuxième étape est d'encadrer l'innovation pour qu'elle soit conforme aux principes auxquels on est attachés. Quand ChatGPT a fait irruption dans notre quotidien, j'ai saisi le comité national d'éthique du numérique. En 2021, il avait déjà émis un avis sur les chatbots en soulevant les questions éthiques, démocratiques que pose l'émergence de ce type d'outils. Dans quelques mois, le comité national d'éthique va nous rendre une version actualisée de cet avis à la lumière de ChatGPT » a-t-il précisé à nos confrères de La Tribune.

Le gouvernement est peut-être sûr de lui mais les plaintes à l’encontre de ChatGPT donnent l’alerte quant aux manquements d’OpenAI et de son chatbot conversationnel. Deux plaintes ont ainsi été déposées auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, selon l'Informé. Si l’autorité n’a dit mot à ce sujet, les auteurs des plaintes se sont présentés à visage découvert ; il s’agit de Zoé Vilain, avocate et fondatrice de l’association Janus International, et David Libeau, développeur, tous deux portés sur les questions liées au numérique et ses enjeux. Zoé Vilain, qui a partagé sa plainte contre OpenAI sur LinkedIn, affirme que cela fait suite à l'envoi d'une demande de données restée sans réponse depuis février. « Nous avons décidé de porter plainte auprès de la CNIL pour demander leur aide pour exercer le droit à la vie privée mardi dernier. Ce n'était pas une décision facile, car nous sommes convaincus que des outils tels que ChatGPT peuvent apporter une innovation étonnante à l'espace de travail, mais il est devenu clair qu'OpenAI n'était pas disposé à se conformer aux lois applicables et à faciliter l'exercice de nos droits à la vie privée ». De son côté, David Libeau souligne dans sa plainte le manque de transparence, défaut de loyauté et l’absence apparente de base légale. Il pointe notamment du doigt deux problèmes. Tout d’abord, « les utilisateurs de ChatGPT ne sont pas informés que leur nom peut être enregistré dans le modèle de langage ». Le second point est : « Les informations générées par ChatGPT peuvent être incorrectes, ce qui peut avoir des conséquences négatives pour les personnes concernée ».

Rappelons à toutes fins utiles que la Cnil est une autorité administrative indépendante et « exerce en toute indépendance les missions et les pouvoirs dont elle est investie conformément au présent règlement (RGPD, ndlr) ». Par ailleurs, « dans l'exercice de leurs missions et de leurs pouvoirs […], le ou les membres de chaque autorité de contrôle demeurent libres de toute influence extérieure, qu'elle soit directe ou indirecte, et ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions de quiconque ». Le gouvernement voit peut-être d’un bon œil l’arrivée des IA génératives et d’outils comme ChatGPT, il n’en reste pas moins que la Cnil peut tout à fait se passer de cet avis.