99% des annonces pour des contrefaçons sont bloquées par Rakuten avant leur publication. Le chiffre est, selon les porte-parole de la marketplace, le fruit des efforts de l'ex-Priceminister depuis la mise sur pied de son programme de lutte contre la contrefaçon, en 2006 et 2007. Reposant sur l'expertise d'un service dédié de trois personnes, cette traque des produits contrefaisants s'appuie en particulier sur un moteur de règles basé sur des mots clefs ou métadonnées associées à une annonce. « C'est l'analyse de texte qui reste la plus efficace aujourd'hui, souligne Benjamin Moutte, le directeur des affaires juridiques et publiques de Rakuten France. L'IA peut nous apporter une aide supplémentaire, mais ce n'est sûr qu'elle fasse la différence dans notre cas. Nous abordons cette technologie avec sérénité, sans précipitation. »

A gauche, Terez Duhameau, directrice de la relation client et des moyens de paiement de Rakuten France, et Mathieu Deshayes, responsable des paiements et de la gestion des risques au sein de la place de marché. (crédit : R.F.)

Depuis près de 20 ans, la place de marché fait évoluer une base de plusieurs milliers de règles, via des mises à jour quotidiennes. Cette solution maison est exploitée sur toutes les annonces créées, pour détecter les suspicions de fraude, quelques centaines par jour au rythme actuel. L'annonce devient alors invisible sur la plateforme et elle est contrôlée par les spécialistes du sujet en interne. Les critères de suspicion sont multiples (prix, nombre de produits vendus par un particulier, adresse IP, mot de passe utilisé...) et surtout évoluent pour accompagner la permanente mutation des techniques de fraude. « L'agilité de la solution est très importante. Elle peut être mise à jour directement par les équipes », souligne Terez Duhameau, la directrice de la relation client et des moyens de paiement. Et la marketplace a également développé automatisations (baptisées macros) dans son back-office pour simplifier une série d'actions suite à la détection d'une fraude, par exemple le blocage de tous les comptes émanant d'un même utilisateur (les fraudeurs ayant tendance à les multiplier).

Le machine learning ? Tout dépend de la pertinence et des coûts

Pour Mathieu Deshayes, responsable des paiements et de la gestion des risques au sein de la place de marché, l'immédiateté de la réaction est un facteur clef car il faut s'adapter en permanence aux nouvelles techniques de fraude. « Or, le machine learning apprend du passé, ce qui constitue une limite dans le cas présent, relève-t-il. Dans la lutte contre la contrefaçon, le timing est un élément clef. »

A gauche, une enceinte JBL authentique, à droite, une contrefaçon. (crédit : R.F.)

« Même si je crois à l'intérêt du machine learning, nous avons besoin d'outils aussi pertinents au minimum que notre approche actuelle et à des coûts acceptables », reprend Mathieu Deshayes. Pour l'heure, Rakuten teste surtout la reconnaissance d'images en complément de son moteur de règles, via un outil appelé Navee, qui permet aux différents acteurs - dont les marques - de partager des images repérées comme provenant de contrefaçons. « Les tests sont plutôt concluants », souligne Terez Duhameau.

Un donnant-donnant avec les marques

Un travail en réseau avec les marques que la marketplace appelle d'ailleurs de ses voeux, via un nouveau programme appelé Brand protection partnership. « Il s'agit d'une formalisation des engagements réciproques pour être plus efficaces et réactifs via des canaux d'échange balisés », résume Benjamin Moutte. Le e-commerçant s'engage à traiter en priorité les notifications issues des marques partenaires et à fournir à ces dernières des données sur la contrefaçon sur sa plateforme. En échange, Rakuten attend davantage de précisions dans les notifications que lui envoient les marques (une dizaine par semaine au rythme actuel) et des formations animées par ces dernières sur l'évolution de la fraude et la reconnaissance des contrefaçons les affectant.