La Commission européenne doit présenter ce 15 décembre la refonte complète de sa régulation des services et marchés numériques. Celle-ci s’inscrit dans le cadre de deux textes : le Règlement sur les services numériques, ou Digital Services Act (DSA), et le Règlement sur les marchés numériques, ou Digital Markets Act (DMA). L’enjeu est primordial car il s’agit d’imposer de nouvelles obligations aux plateformes qui proposent des services en ligne dans l’UE et hébergent des contenus. « L’Europe doit imposer ses propres règles » et ne pas se laisser dicter son avenir par « les intérêts commerciaux et politiques d’une poignée d’entreprises », ont rappelé Margrethe Vestager, vice-présidente exécutive de la Commission chargée de la Concurrence, et Thierry Breton, commissaire européen chargé du Numérique, dans une tribune publiée la semaine dernière dans le quotidien belge Le Soir. 

Les règles du numérique qui s’appliquent actuellement en Europe remontent à l’an 2000, à un moment où les grandes plateformes qui structurent aujourd’hui cet espace n’existaient pas encore, a pointé ce matin Thierry Breton, invité du Grand entretien sur France Inter, en soulignant que la régulation qui s’annonce était donc nécessaire et n’avait jamais été réalisée. En premier lieu, le Règlement sur les services numériques va fournir un cadre d’obligations et de responsabilités sur les contenus hébergés en Europe. Le Règlement sur les marchés numériques s’appliquera de son côté à réguler le comportement économique des entreprises au caractère systémique, ce qui désigne au premier chef les Gafa, sans les nommer directement. Sont principalement visées ici les « acteurs majeurs qui ont un nombre très importants d’utilisateurs, un poids très important sur l’économie et qui ont aussi souvent des positions de goulots d’étranglement, c’est-à-dire que tout doit passer par eux », expliquait ce matin Thierry Breton. « Désormais, quand on est un gate keeper, une plateforme systémique, pour venir sur notre marché intérieur, il faudra respecter des règles extrêmement strictes », a indiqué le commissaire européen. « Et si ces règles ne sont pas appliquées, il y aura des sanctions et de façon ultime, si de façons répétées, on ne suit pas précisément toutes les règles, on pourra aller jusqu’au démantèlement ».

Obligation de notifier préalablement une acquisition

La taille, le nombre de clients, le chiffre d’affaires, la valorisation sont quelques-uns des critères qui permettront de définir les plateformes systémiques. « Avoir une valorisation très importante, cela permet souvent d’avoir une capacité prédatrice sur d’autres », a indiqué Thierry Breton sur France Inter. « Tous ces critères seront pris en compte parce que quand on est très grand, on a de très grandes responsabilités. Nous allons maintenant imposer pour les grandes plateformes, précisément, que lorsqu’elles vont faire une acquisition elles auront l’obligation de nous la notifier préalablement ». C’est une première, insiste le commissaire européen. « Nous nous donnerons les moyens de regarder ce qui se passe de façon préemptive et pour aller vite ».

Thierry Breton a par ailleurs indiqué que les mêmes règles s’appliqueront quel que soit l’endroit où les entreprises seront établies sur le territoire européen : « On pourra s’installer partout en Europe, mais on aura les mêmes obligations partout ». S’y ajoutera la nécessité pour les entreprises d’avoir un représentant légal. Enfin, le commissaire au Numérique a rappelé que l’UE travaillait à un impôt. « Nous sommes en train d’en discuter dans le cadre de l’OCDE et si nous n’avons pas d’accord, avec les Américains en particulier, nous le ferons à 27, nous sommes vraiment unanimes là-dessus, au courant du 1er semestre 2021 ».