Rendre le design d’applications web et mobiles largement accessible, même à ceux qui n'en sont pas des spécialistes, dans les directions métiers ou parmi les développeurs de logiciels. Figma a relevé le pari avec un logiciel collaboratif dans le cloud qui a su d'abord séduire les designers. L'éditeur basé à San Francisco s’est installé en France en juin, après avoir vu s’y accroître le nombre de ses clients. Son logiciel - hébergé sur l'infrastructure publique d'AWS aux Etats-Unis - est déjà mis en oeuvre par Carrefour, Thales, SG, RATP ou Canal+. « Près de 40% du CAC 40 l’utilisent », nous a indiqué Pierre Berlin, directeur général de Figma Europe, au moment de l’ouverture du bureau français au début de l'été. Sur le web, les petites annonces recherchant des compétences Figma attestent de la progression de l'outil dans les entreprises. Beaucoup de start-ups, devenues pour certaines scale-ups ou licornes comme Doctolib, ContentSquare ou, encore, la banque en ligne Qonto, utilisent également la solution pour concevoir leurs interfaces et expériences utilisateurs (UI/UX).

Dylan Field (ci-dessus) a créé la solution Figma avec Evan Wallace, CTO de la société qui est parti il y a un an vers d'autres aventures. (Crédit : Figma)

Figma a été co-fondée en 2011 par son CEO Dylan Field, avec Evan Wallace, sur l’idée de fournir en ligne des outils de design d’applications. L'objectif était de faciliter la collaboration autour du processus créatif. Après avoir mis à l’épreuve les capacités de l’API JavaScript WebGL, les deux associés ont pris 3 ans pour créer un outil de conception vectorielle basé sur un moteur de rendu WebGL 2D qui, par la suite, s'est appuyé sur WebAssemblySortie en 2015, la solution de conception d'UI/UX a d’abord été proposée gratuitement, surprenant parfois certains designers habitués à d'autres outils, se souvient le fournisseur sur son site web. Avant d’être rapidement adoptée pour ses capacités de collaboration. L’application mobile d’Uber, par exemple, est conçue sur Figma.

Du brainstorming jusqu’au prototypage

« Auparavant, il fallait télécharger plusieurs logiciels sur son ordinateur, alors que Figma est un logiciel full web qui couvre tout le design et le processus de conception de bout en bout, depuis le brainstorming jusqu’à la phase de prototypage », expose Pierre Berlin. Recourir à un seul logiciel évite les frictions qui sont inévitables lorsque des équipes doivent combiner plusieurs outils, fait-il valoir. Qui plus est lorsque ces équipes travaillent sur un projet les unes à la suite des autres, avec des horaires décalés, et doivent retrouver la dernière version en date du projet.

« Nous créons les polices et les couleurs. Le design est partagé et transformé en code pour les développeurs », poursuit le directeur général de Figma Europe. Dans l’interface du logiciel, le panneau Inspect traduit en effet en code les composants du design qui a été créé. « Il donne au développeur le code de l'asset qu’il a sous les yeux », explique Pierre Berlin. Figma supporte actuellement CSS, Swift, and XML (aucun JavaScript ni autre logique ne sont exportés).

Avec le prototypage interactif de Figma, les concepteurs UI et UX découvrent comment leur design va se comporter. Ici, sur une application mobile. (Crédit : Figma)

Sur le versant collaboratif, Figma serait par ailleurs qualifié de « Google Doc du design », glisse M. Berlin. Il est très facile au designer de participer à un projet, assure le directeur général Europe du fournisseur : « Nous changeons complètement la mentalité autour du design. Auparavant, les designers travaillaient, puis ils montraient leur création aux directions artistiques qui leur demandaient souvent de les refaire ». La collaboration entre les différentes parties prenantes d'un projet peut contribuer à réduire ces irritants. D’autant plus que deux-tiers des utilisateurs de Figma ne sont pas des designers, mais des développeurs ou des collaborateurs des directions marketing, précise M. Berlin.

Un freemium et 2 versions pour l'entreprise

Aujourd’hui, la version freemium du logiciel est exploitée par plusieurs millions d’utilisateurs. Elle permet de gérer 3 fichiers Figma pour le design et le prototypage et 3 fichiers FigJam pour la collaboration visuelle. Les versions payantes, Professionnel et Organisation, sont quant à elles facturées sur un an, au tarif de 12 $/éditeur/mois pour la 1ère, et de 45 $/éditeur/mois pour la 2ème, le tout pouvant se compléter des fonctionnalités de sécurité et de contrôle de Figma Entreprise (75$/éditeur/mois) pour déployer la solution à l'échelle.

La version Professionnel autorise un nombre illimité de fichiers Figma avec une gestion de l’historique, les permissions de partage, les projets partagés et privés, les bibliothèques d’équipes et les conversations audio. Elle reste gratuite pour les étudiants et les enseignants. La version Organisation apporte en plus des bibliothèques accessibles à toute l’entreprise, des outils d’analytique, la création de branches, la fusion, une gestion de fichiers centralisée, une authentification unique et une facturation unifiée. 

Lucie Bordelais pilote Figma France

Figma, c’est aussi une communauté. Dans l’Hexagone, elle est de plus en plus active. « Nous avons des groupes Friends of Figma », indique M.Berlin. Des événements ont eu lieu à Lyon, Paris et, bientôt à Lille, le 16 septembre. En juin, Lucie Bordelais a été nommée pour diriger la filiale française, avec la mission de définir et mettre en oeuvre la stratégie de développement de la société, en France et en Europe du Sud, et de monter une équipe commerciale et d'ingénieurs support. Titulaire d'un DESS Finances de Paris Dauphine, la nouvelle dirigeante apporte à l'entreprise 18 ans d'expérience dans les technologies, après être passée chez Blackline EMEA, Cashsolve et KPMG. 

Pierre Berlin dirige depuis début 2020 l'activité EMEA de Figma en étant basé à Londres où l'éditeur californien a ouvert son premier bureau en dehors des Etats-Unis. il a observé depuis 18 mois une accélération de la demande. A droite, Lucie Bordelais a été nommée en juin à la tête de la filiale française. (Crédit : Figma)

La filiale va aussi recruter des experts du design pour accompagner les projets, notamment ceux qui n’embarquent pas uniquement des designers. Figma compte plusieurs dizaines d’investisseurs parmi lesquels Andreessen Horowitz, Séquoia Capital ou Investissement Ventures. Au total, la société a levé 332,9 M$ en 6 tours de table. Le dernier (en série E) s’est élevé à 200 M$ en juin 2021, ce qui a porté la valorisation de Figma à 10 Md$.

Au coude à coude avec Sketch et Adobe XD

Le logiciel est régulièrement mis à jour, les dernières améliorations datent du mois d’août : annotation plus fluide, ajout plus rapide de dégradés sur la palette de couleurs, meilleure conservation de la mise en forme, etc. L’application fonctionne avec de très nombreux logiciels externes dont la solution de collaboration Teams de Microsoft, mais aussi Trello. 

D’après l’étude 2021 de Uxtools.co (auprès de quelque 1600 designers dont 130 en France), la progression de Figma se confirme pour la conception et le prototypage d’interfaces utilisateurs. Le logiciel s'affirme face à ses concurrents Sketch et Adobe XD pour la conception, ou encore Adobe XD et InVision, pour le prototypage d’UI. Il tient aussi la corde sur le hand-off (contrôle des fichiers pour passer le témoin aux développeurs), devant Zeplin et Adobe XD, et sur la gestion de versions devant Google Drive et GitHub. Sur les fonctions de tableau blanc, FigJam talonne Miro