Google vient de découvrir que la liberté d'expression est menacée en Chine. Dans un billet de blog indigné, David Drummond, vice-président senior de Google chargé du développement et des affaires juridiques, explique que suite aux attaques ayant visé des comptes d'utilisateurs chinois de Gmail, le moteur de recherche a décidé de ne plus censurer ses résultats sur Google et, s'il ne parvient pas à s'entendre avec le gouvernement chinois, il pourrait même fermer ses bureaux. Google s'était installé en Chine en janvier 2006, après avoir promis aux autorités chinoises de se plier à leur censure. Les dirigeants de Google, qui arborent un « Don't be evil » en devise ('ne sois pas méchant'), expliquaient alors qu'il valait mieux jouer selon ces règles pour donner plus d'information et d'ouverture aux Chinois, que de ne pas y être du tout. Une attitude qui faisait régulièrement débat ; ainsi, lors d'une assemblée générale en mai 2008, interpelé sur le sujet, Sergey Brin, cofondateur de Google, répétait cet argument en ajoutant qu'il n'était pas allé en Chine pour y faire de l'argent. « Nous pourrions abandonner notre site demain sans que cela n'ait aucun effet sur nos résultats », disait-il alors. Ce changement de politique vis-à-vis de la Chine intervient après une série d'attaques menées le mois dernier contre Google et « une vingtaine d'autres grandes entreprises ». Selon l'enquête du moteur de recherches, il apparaîtrait qu' « un des objectifs principaux des pirates était d'accéder aux comptes Gmail de militants chinois des droits de l'Homme ». Soucieux de rassurer tous ses utilisateurs à travers le monde - et de réaffirmer la sécurité du modèle cloud -, David Drummond ajoute : « Nous pensons que leur but n'a pas été atteint. Ils seraient parvenus à atteindre seulement deux comptes Gmail, et n'auraient eu accès qu'aux informations liées aux comptes (comme leur date de création) et aux sujets des courriels, et non à leur contenu. » Une excuse pour s'éclipser d'un marché où Google est à la peine ? David Drummond estime que la Chine a fait d'énormes efforts en matière de développement économique, mais que dans le même temps, les restrictions de la liberté d'expression se sont renforcées, conduisant le moteur de recherches à revoir sa position. Ces attaques, dont David Drummond prend bien soin de ne pas accuser directement les autorités chinoises tout en sous-entendant ses soupçons, seraient en quelque sorte la goutte d'eau ayant fait déborder le vase. Selon le New York Times, Google compterait aujourd'hui environ 700 employés en Chine, pour un chiffre d'affaires de 300 M$. Ce n'est pas négligeable, mais Google est là-bas loin derrière son concurrent principal, le Chinois Baidu, qui aurait deux tiers du marché, contre un tiers environ pour Google. Comme d'autres entreprises l'ont expérimenté avant, il faut, pour faire du business en Chine, accepter de coopérer avec les autorités et les entreprises locales. Il serait donc étonnant que le gouvernement chinois soit impressionné par cette nouvelle politique de Google. Pour beaucoup d'analystes, il est fort probable que Pékin (Beijing) voie cela comme une excuse du moteur de recherches pour sortir d'un marché où il est à la peine, et ne bloque tout simplement l'accès à Google.cn comme il l'a fait pour Google.com.