Les jeux Olympiques et Paralympiques (JOP) se tiendront à Paris et dans d'autres villes du 24 juillet au 8 septembre 2024. Dans ce cadre, le gouvernement a présenté un projet de loi relatif aux jeux qui contient plusieurs dérogations aux règles normales et certaines expérimentations, dont un certain nombre liées à la sécurité. Ces mesures sont complémentaires de celles déjà adoptées dans le cadre de la loi du 26 mars 2018 relative à l'organisation des jeux Olympiques et Paralympiques de 2024. Un cadre juridique expérimental est notamment créé jusqu’au 30 juin 2025 - le temps d’établir un bilan selon le gouvernement – et doit permettre le recours à la vidéosurveillance dite « intelligente » en vue d'assurer la sécurité des manifestations sportives, récréatives ou culturelles.

Après une adoption en conseil des ministres le 22 décembre dernier, le texte du projet de loi a été approuvé par le sénat le 31 janvier et a levé un obstacle législatif le 8 mars après le vote en commission. Enfin, ce 23 mars, l'Assemblée nationale a adopté l'article 7 qui autorise l'utilisation de la vidéosurveillance alimentée par l'IA à 59 voix pour et 14 contre (pour rappel, l’Assemblée nationale compte 577 députés). Avec le recours aux caméras augmentées, l’Etat se dote donc de capacités supplémentaires de surveillance. Ces caméras pourront détecter des évènements prédéterminés, notamment des mouvements de foules, des colis ou des comportements suspects dans des lieux accueillant des évènements et dans les transports en commun. Ce cadre juridique dit « expérimental et temporaire » n’est évidemment pas du goût de tous. Amnesty International, aux côtés d'une coalition d'organisations de la société civile dirigée par le Réseau européen des droits numériques (EDRi), a appelé l'UE à réglementer l'intelligence artificielle dans le cadre des efforts de protection et de promotion des droits humains.

Les réactions s’enchaînent

Dans une lettre ouverte initiée par le Centre européen pour le droit des organisations à but non lucratif, 38 organisations de la société civile, dont Amnesty International, ont appelé les décideurs politiques français à rejeter le projet de loi autorisant la surveillance vue comme invasive aux Jeux olympiques de 2024. Mher Hakobyan, conseiller pour le plaidoyer d'Amnesty International sur la réglementation de l'IA, a déclaré :  « La décision de la France d'autoriser le recours à des mesures de surveillance de masse pendant les Jeux olympiques de 2024 sape les efforts continus de l'UE pour réglementer l'IA et protéger les droits fondamentaux par le biais de la loi sur l'IA ». Par cette décision, Amnesty International craint notamment une utilisation abusive de la vidéosurveillance alimentée par l’IA et des violations des droits de l'homme. 

« En tant qu'État membre influent de l'UE, la France crée un précédent inquiétant à un moment où le bloc [européen] devrait se concentrer sur la consolidation de la protection des droits dans la loi sur l'IA. Le Parlement européen doit adopter de toute urgence une position ferme sur l'interdiction des technologies de surveillance de masse, y compris l'identification biométrique à distance et la catégorisation dans les espaces publics ». L’adoption de l’article 7 du projet de loi sur les JO a également fait réagir La Quadrature du Net. Dénonçant une fuite en avant sécuritaire, l’association pointe du doigt plusieurs aspects cachés de cette adoption. Selon elle, la vidéosurveillance algorithmique relève bel et bien de la biométrie tandis que son utilité et son aspect technique apparaissent comme très opaques. Pour La Quadrature du Net, les interrogations et les craintes persistent. « Cette première légalisation de la vidéosurveillance automatisée va nécessairement ouvrir la voie à toutes les autres technologies de surveillance biométrique : audio-surveillance algorithmique, reconnaissance faciale, suivi biométrique des personnes a posteriori… ».

Sur ce plan, la Commission nationale de l’informatique et des libertés est très attendue. L’organisme de contrôle a, dans une déclaration faite mi-mars, indiqué vouloir se concentrer sur l'utilisation de caméras « augmentées » par les acteurs publics pour l’année 2023. Elle a par ailleurs fait de cette thématique un axe prioritaire de son plan stratégique 2022-2024. Cela se traduit par la mise en œuvre d’une série d’actions qui comportent un accompagnement des acteurs privés et publics, mais aussi la réalisation de contrôles. La Cnil a ainsi organisé une consultation publique avant de prendre position sur cette technologie. A ce jour, aucune déclaration officielle n’a été faite après l’adoption de l’article. Affaire à suivre donc.