L’école d’informatique 42 n’a pas ménagé ses efforts ces derniers mois pour attirer les femmes vers les métiers du coding. Avec succès puisque 26% d'entre elles participent ce mois-ci à l’épreuve de sélection de la piscine, contre 15% l’an dernier, et qu'elles sont déjà 35% à être inscrites pour la session d’été. Depuis cinq mois, 42 est aussi dirigée par une femme, Sophie Viger, qui a succédé au co-fondateur Nicolas Sadirac et qui connaît bien le métier de développeur pour l’avoir elle-même exercé en indépendante. Avant de rejoindre l’école, elle a été directrice de la Coding Academy by Epitech, du Samsung Campus et de la Web@cadémie où elle a impulsé la création d’une formation comptant 80% de femmes.

Le déficit de vocations féminines dans l’informatique, c’est un sujet que Sophie Viger connaît bien. Au sein de l’école gratuite co-fondée par Xavier Niel (*), elle s’est donc employée à faire bouger les lignes même si, insiste-t-elle d’emblée lorsqu’on l’interroge, « dans le creuset de 42, qui promeut le peer-learning et la collaboration, on trouve déjà cette grande ouverture, sans discrimination, qui attire les femmes et enclenche les solidarités ». Pour aller plus loin, un groupe de travail a d’abord été constitué en interne sur les questions de mixité dans le numérique. Tous les 15 jours, il réunit d’anciennes élèves de l'école et des personnes du monde de l’entreprise et des associations. Des référents mixité ont été nommés dans l'établissement et une association, #include, s'attache à lutter contre les préjugés et toute forme de discrimination, tant au sein de 42 que dans l'écosystème technologique.

Créer un espace accueillant et sécurisant

Sophie Viger évoque ensuite l’importance de créer un espace accueillant et sécurisant. On se souvient qu’en 2017, certaines élèves s’étaient plaintes d’attitudes sexistes. Une adresse email permet maintenant de signaler tout comportement déplacé que ce soit sur Slack, le canal de communication interne, ou ailleurs. Au premier signalement, la personne impliquée est convoquée, au 2ème, elle est exclue. L’école compte actuellement 3 800 étudiants et en accueille 900 chaque année. « Respect et inclusion, nous avons fait passer le message très fort », nous a indiqué Sophie Viger qui le relaie de vive voix lorsqu'elle se rend sur les clusters (l'école se répartit sur 3 étages - les clusters - recevant chacun 260 élèves**). Elle ajoute que différents éléments ont également été repensés dans les locaux. « Nous avons travaillé l’image en interne », explique la directrice générale de 42. Avant les piscines, une vidéo humoristique est diffusée sur le thème « Girls do code » pour casser les images ridicules sur les raisons qui empêcheraient les filles de coder. L’école reçoit régulièrement des intervenantes et accueille l’exposition photo Infinités Plurielles de Marie-Hélène Le Ny sur 17 femmes scientifiques.

L’image externe est également soignée. « 42 ambassadrices interviennent dans les collèges et lycées », rappelle Sophie Viger. L’école est partenaire de nombreux événements tels que « On va coder » avec le Secours populaire ou Startup for kids. « Nous accompagnons aussi Like ton job pour casser les stéréotypes à l’école », ajoute la DG. Le tout s’accompagne d’une communication sur les réseaux sociaux où les images sont féminisées.

Des quotas sur les sessions d'information avant piscine

Enfin, des quotas ont par ailleurs été mis en place, mais ils ne s’appliquent ni sur l’entrée en piscine, ni sur la sélection. « Pour la session d’information qui précède la piscine, nous avons réservé 50% des places pour les femmes », nous a expliqué Sophie Viger. Malgré cela, le plein n’a pas été fait, la proportion féminine de la dernière réunion s’est limitée à 30%. Rappelons que pour participer aux réunions check-in avant les piscines, il faut au préalable avoir réussi les tests en ligne demandés par l’école d’informatique. Il y a une dizaine de dates par an, chacune réunissant 520 personnes en deux sessions par jour.

« Nous allons travailler sur des pré-piscines », annonce Sophie Viger qui insiste sur la nécessité de convaincre les jeunes femmes de leur légitimité sur ces métiers du développement. Sur ce terrain, elle pointe le rôle joué par une initiative internationale telle que Ladies of code, « une grande école au féminin ». La directrice générale de 42 insiste surtout sur le partenariat avec Pôle Emploi qui a permis d’entrer en contact avec des femmes qui se sentaient pas concernées par ces filières jusque-là, bloquées sur des stéréotypes. Pôle Emploi leur propose de s’essayer aux tests en ligne de 42. « Nous obtenons de super résultats », apprécie Sophie Viger. Dans la foulée, un constat s’impose : les femmes viennent au code plus tard que les garçons, vers 30/40 ans. Dans ce contexte, 42 réfléchit à supprimer la limite d’âge d’inscription à l’école, aujourd’hui fixée à 30 ans.

(*) avec Nicolas Sadirac, Florian Bucher et Kwame Yamgnane

(**) les étudiants ne sont pas tous présents en même temps dans l'établissement.