Bernard Scherrer, d'EDF, va dans le même sens. « Il peut y avoir désillusion si on croit que l'Open Innovation, c'est facile », fait-il remarquer. « Or, nous sommes dans des processus de sélection extrêmement sévères ». Il estime qu'il y a au minimum 9 mois entre la détection d'une innovation dans une PME et la décision d'un métier de l'essayer. « Il faut de la persévérance et des personnes qui comprennent bien, à la fois ce que fait la start-up et les métiers. Ce n'est pas de détecter les start-ups qui est difficile, c'est de convaincre un métier de changer ses façons de faire », explique-t-il. D'où l'importance des réunions régulières organisées avec eux, notamment avec ceux qui ont le plus d'appétence. A Palo Alto, EDF a monté des partenariats avec des sociétés de capital risque. « Ils ont un regard d'investisseurs, et nous un regard très métiers ». Le groupe travaille également avec 2 fonds internationaux, à Pékin et Vancouver.

Un million de brevets dans le monde l'an dernier

Pour Christian Travier, directeur de Laval Mayenne Technolopôle, il faudrait surtout essayer d'inhiber les peurs et rester ouverts pour regarder. « C'est frappant de voir comment une PME annonce des peurs avant même d'écouter : on va me prendre mon idée, je ne connais pas le domaine... ». Mais il évoque aussi un autre aspect, très intéressant, c'est l'innovation qui vient du client lui-même. A Laval, pour faire pendant aux concepts stores, ces laboratoires d'usages où les grands groupes présentent leurs innovations, la boutique Neoshop a été ouverte où une trentaine de start-ups mayennaises exposent leurs produits, « du test à la mise en oeuvre et jusqu'à la vente », décrit Christian Travier.

A sa suite, Jean-Louis Liévin, d'ideXlab, met le doigt sur un autre point important : la masse d'information sur l'innovation dans laquelle il faut naviguer. « Il y a eu l'an dernier 1 million de brevets publiés à travers le monde. Si l'on ne dispose pas d'outils qui permettent de filtrer les données, on rate à l'évidence des opportunités ». Il y aurait, selon les estimations, de l'ordre de 50 millions d'experts dans le monde, dont certains à la retraite, disposant de connaissances très pointues dans divers domaines. En regard, il y a en Europe environ 500 000 entreprises innovantes avec lesquelles les mettre en relation, évoque-t-il en ajoutant... quelques milliards d'utilisateurs sur la planète.

100 M€ pour amorcer toutes les start-ups incubées en France

Si l'innovation est un chemin vers la création d'emplois, elle conduit aussi à en déplacer et demande d'adapter les compétences des salariés, reconnaît par ailleurs Christian Travier qui insiste aussi sur les efforts indispensables à faire sur la formation et l'éducation des jeunes. A l'issue de certains plans sociaux, certaines personnes se retrouvent sans emploi après avoir occupé le même poste pendant trente ans. « Ce qui est dramatique, c'est que quelqu'un fasse la même chose depuis trente ans », regrette le directeur Laval Mayenne Technolopôle.

Enfin, si les Etats-Unis et sa Silicon Valley constituent à l'évidence un terreau fertile pour les start-ups, c'est bien plus à cause de l'esprit d'entreprise qui les anime qu'en vertu de leur adhésion à l'Open Innovation. Il convient de ne pas mélanger les deux notions, modère Jean-Luc Beylat. « Le problème français, c'est la faible culture de l'entrepreneuriat ». L'Open Innovation va continuer à se développer en France, assure Jean-Louis Liévin en évoquant la « 3ème révolution industrielle » et tout ce que les évolutions (sur l'impression 3D, la collaboration Internet...) vont remettre en cause.

Bernard Scherrer note aussi que ce que nous appelons « capital risque » de ce côté-ci de l'Atlantique est dénommé « capital aventure » aux Etats-Unis. Enfin, Christian Travier souligne le pragmatisme américain et regrette que les start-ups françaises manquent de financement. Selon ses calculs, 100 millions d'euros suffiraient pour amorcer toute les start-ups qui sont en ce moment incubées en France. Un montant très relatif comparé à de nombreux autres investissements et une opportunité (un service ?) que les banques devraient considérer de beaucoup plus près.