Dans quelques jours, le petit monde des télécoms, en France et en Europe, pourra vérifier le sérieux des engagements du gouvernement français. Après avoir tout fait pour retarder l'attribution de la quatrième licence mobile, les pouvoirs publics hexagonaux, par la voix d'abord de Luc Chatel (comme secrétaire d'Etat à l'Industrie) puis par celle de Jean-Ludovic Silicani, le président de l'Arcep), devraient en effet publier le décret permettant de lancer la procédure d'attribution. Sur le papier, tous les éléments semblent enfin réunis pour attribuer la licence et permettre l'arrivée de la concurrence sur un marché contrôlé par les trois opérateurs de réseaux (France Télécom, SFR et Bouygues Telecom). Sauf que la publication du décret va ouvrir une nouvelle période d'incertitudes juridiques : France Télécom a déjà indiqué vouloir l'attaquer pour non respect du principe d'égalité. Une plainte qui serait alors déposée devant le Conseil d'Etat, mais qui fait sourire les juristes spécialisés. « Cette plainte ne tient pas la route : attaquer un décret devant le Conseil d'Etat, alors que ce même Conseil a déjà eu à l'examiner va être stimulant intellectuellement », s'amuse l'un d'eux. Si l'incertitude juridique induite par la plainte ne devrait pas retarder le processus d'attribution, le futur gagnant va devoir affronter d'autres obstacles. Tout d'abord la rareté du spectre attribué à la quatrième licence mobile : pour 240 millions d'euros, il ne se verra attribuer qu'un tiers des fréquences 2.1 GHz restantes (soit 5 MHz). Sans compter qu'il lui faudra quand même investir environ un milliard d'euros supplémentaires pour déployer son réseau. Philippe Maugest, Secrétaire Général de Virgin Mobile, l'un des opérateurs potentiellement intéressés par la licence met en avant trois inconnues : d'abord les conditions de roaming accordées par les autres opérateurs pour que le nouveau venu puisse respecter ses engagements de couverture. Elles sont pour le moment floues et on peut estimer que les trois opérateurs de réseau vont être particulièrement exigeants. Il y a ensuite le problème des terminaisons d'appel : « elles ont permis aux opérateurs mobiles de faire financer leur réseau par les appelants fixes. Le nouvel entrant ne pourra pas être mis sur le même plan d'égalité que les autres surtout si l'on bascule vers une symétrie des prix entre les fixes et les mobiles » a fait remarquer Philippe Maugest. Enfin, le secrétaire général de Virgin Mobile note que le déploiement d'un nouveau réseau risque d'être assez délicat et il n'est pas certain que le nouvel entrant puisse tenir ses engagements : « le nouvel opérateur devra poser entre 2000 et 3000 antennes. Par ailleurs, les coûts de location ont nettement augmenté et les négociations sont de plus en longues ». Malgré tout, Virgin Mobile se dit partant pour l'aventure. Tout comme Free qui parait aujourd'hui tenir la corde et promet de sensationnelles baisses de prix à ses clients. Une stratégie qui pour Nicolas Didio, un analyste d'Exane BPN Paribas, pourrait s'avérer gagnante car « chaque année en France, 10 à 15 millions de clients changent d'opérateurs ». Mais note l'analyste, les trois opérateurs de réseau ont des armes pour se défendre, notamment « s'ils accélèrent sur les offres data, car ces services demandant beaucoup de bande passante, il sera beaucoup plus difficile au nouvel entrant de pouvoir rivaliser sur ce domaine ».