La nouvelle révoltera les défenses des libertés individuelles et réjouira les acteurs des industries musicales : la Cnil a autorisé la Sacem à procéder à la constatation des infractions au droit d'auteur sur le Web et à relever les adresses IP des contrevenants. Si la décision peut faire grincer des dents en ce qu'elle délègue un pouvoir de police - la constatation des infractions - à un organisme privé, elle s'inscrit néanmoins comme la conclusion logique d'une procédure initiée il y a deux ans. En octobre 2005, la Sacem réclame ainsi à la Cnil l'autorisation d'instaurer un système de surveillance des réseaux pair à pair afin d'endiguer le piratage des oeuvres de ses sociétaires. L'autorité administrative rejette alors cette requête, arguant que la mesure n'est pas « proportionnelle à la finalité poursuivie ». La Sacem se tourne alors vers le Conseil d'Etat, lequel invalide, en mai 2007, la décision de la Cnil en estimant que la demande des ayants droit ne représente pas de disproportion au regard de l'ampleur du phénomène P2P en France. Munie de cet arrêt du juge administratif, la Sacem est donc retournée plaider sa cause devant la Cnil qui n'avait alors plus d'autre possibilité que de se conformer à la position du Conseil d'Etat. La société des auteurs-compositeurs est donc désormais autorisée à mettre en place un système visant à relever les IP des internautes s'adonnant au téléchargement illicite de morceaux figurant à son catalogue puis à communiquer ces données à un juge. Lequel pourra décider d'enjoindre les FAI à communiquer les identités des contrevenants afin de lancer des poursuites. Cette possibilité s'inscrit en parallèle d'une des dispositions du rapport Olivennes, qui prévoit la mise en place, à titre expérimental, du filtrage des réseaux P2P. Une initiative qui ne contente que les acteurs de l'industrie audiovisuelle : les internautes et les tenants des libertés individuelles s'insurgent fort logiquement, et même les FAI se montrent plus que sceptiques. Dahlia Kownator, la déléguée générale de l'AFA (Association des fournisseurs d'accès et de services Internet), nous confiait ainsi fin novembre toutes les difficultés légales et techniques posées par une telle mesure : « elle pose d'abord de gros problèmes de compatibilité avec le droit français et européen, notamment la CEDH (Convention européenne des droits de l'Homme). Surtout, dès qu'il y a chiffrement des paquets, on ne peut opérer de filtrage sur les réseaux P2P. Le rapport évoque une expérimentation sur deux ans. Ce sera suffisant pour démontrer aux ayants droit que c'est impossible. »