Les rapports de la Cour des Comptes sont attendus au tournant. Depuis des années, les livrables de l'institution se succèdent (Source Solde, Parcoursup, Scribe, plan numérique du minstère de la Justice, Bpifrance...) et ne manquent pas de piquant. Cette fois, c'est au tour de la stratégie nationale pour la recherche en intelligence artificielle (SNRIA) de la France d'être passée au crible, et on ne peut pas dire que les critiques manquent à l'appel. 

« Bien que les investissements financiers dans la recherche aient été importants dans cette première phase, le manque d’information sur l’exécution des crédits et l’absence de consolidation des différentes sources mobilisées en matière d’IA ne permettent pas de mesurer globalement les efforts financiers étatiques consentis et d’apprécier l’efficience de la stratégie », pointe la Cour des Comptes. « L’objectif de placer la France dans les cinq premiers pays experts en IA à l’échelle mondiale affiché par la stratégie n’est pas atteint ». Afin de suivre les efforts de la politique publique de la France en matière d'IA, la Cour recommande ainsi d'établir un document budgétaire de synthèse pour en suivre et mesurer les effets.

Une accélération de la structuration de l'écosystème IA...

La Cour des Comptes reconnait cependant que la stratégie IA de la France a permis de structurer une communauté interdisciplinaire de recherche, de créer et de renforcer les liens entre plusieurs disciplines (mathématiques, sciences informatiques, sciences humaines et sociales). Et de saluer par exemple que le supercalculateur convergé Jean Zay a connu une appropriation rapide par la communauté scientifique et a permis une plus grande convergence des communautés HPC et IA.

« Alors que l’IA n’est pas une discipline en tant que telle, la SNRIA a permis d’accélérer la structuration d’un écosystème en la matière qui nécessite encore un travail d’inclusion de tous les acteurs. Elle repose encore largement sur les organismes de recherche, Inria et CNRS. En particulier, le rôle des instituts 3IA et des autres centres d’excellence apparaît encore secondaire dans cette structuration. En comparaison, les instituts interdisciplinaires allemands, plus récents, semblent être plus centraux dans leur écosystème national. La deuxième phase pourrait avoir pour ambition de poursuivre et de rendre plus résiliente la structuration de l’écosystème, notamment autour des centres d’excellence », peut-on lire dans le rapport.

... mais une absence de vision à moyen terme

Parmi les autres salves de recommandations, la Cour des Comptes pousse l'Etat à préciser les missions respectives des centres d'excellence et de clarifier les financements pluriannuels alloués, partager les objectifs et indicateurs prioritaires de la politique publique IA en lien avec la stratégie européenne en la matière, et créer un comité scientifique et de pilotage pour suivre de façon concertée la mise en oeuvre de cette stratégie et les orientations à venir. Sont également mis en avant, de réaliser une cartographie harmonisée et actualisée des formations IA à valoriser au travers d'un label commun, de prévoir les besoins en enseignants et chercheurs formés à l'usage de l'IA et élaborer une charte et un catalogue des bonnes pratiques pour définir et suivre l'impact environnemental de la recherche en IA.

« La stratégie a bel et bien favorisé une première structuration d’un écosystème d’enseignement et de recherche sur cette thématique qui n’est pas une discipline en tant que telle et ne bénéficie donc pas des organes de gouvernance et de pilotage habituels », explique par ailleurs l'institution. « Les freins identifiés résident dans l’absence de vision à moyen terme de la pérennité des centres d’excellence et de leurs modalités de financement, maillons importants de cet écosystème mais également dans l’absence de suivi budgétaire global satisfaisant ».