Selon une note interne du Ministère de l’Intérieur publiée le 4 décembre dernier par le journal Le Monde, la police et les services de sécurité français estiment que la technologie entrave leur travail d’enquête et de recherche de renseignements et proposent plusieurs mesures pour y remédier. Quelques heures à peine après les attentats terroristes du 13 novembre dernier à Paris, le gouvernement français a déclaré l'état d'urgence afin de donner à la police plus de pouvoirs, notamment la possibilité d’imposer des couvre-feux et de procéder à des perquisitions sans mandat. Une semaine plus tard, les députés votaient la prolongation de l'état d'urgence de 12 jours à trois mois, et étendaient les pouvoirs de la police en ajoutant à ses prérogatives la surveillance des communications électroniques et des services cloud.

Mais pour la police, ce n’est pas suffisant : l’autorité voudrait que les deux projets de loi en discussion à l’Assemblée nationale, l'un relatif à l'état d'urgence et l'autre à la lutte antiterroriste, qui, selon le journal Le Monde, pourraient être votés en janvier, lui accordent encore plus de pouvoirs. La police aimerait notamment que, dans une situation comme celle de l’état d’urgence, les connexions WiFi ouvertes ou partagées soient interdites et que la mise à disposition d’un hotspot WiFi soit considérée comme une infraction criminelle. Selon les documents du Ministère de l'Intérieur et de la police auxquels le journal a eu accès, les forces de l’ordre justifient cette demande en expliquant que l’identification des personnes qui utilisent ces réseaux est plus difficile.

Écouter les appels téléphoniques chiffrés

En dehors de l'état d'urgence, la police voudrait également être en mesure de suivre le déplacement des suspects et surveiller les communications cryptées, même si les responsables des dernières attaques terroristes de Paris et de Saint-Denis ont communiqué entre eux par mobile et par message texte sans utiliser de système de cryptage. La police a dans le viseur le service de communication anonyme Tor, dont elle voudrait interdire l’usage ou bloquer le service en France. Elle voudrait également que les développeurs d’applications de téléphonie sécurisées sur Internet livrent leurs clés de cryptage du trafic.

Autre demande : en France, en vertu des lois de confidentialité existantes, les radars de vitesse disséminés sur le territoire ont uniquement le droit d’enregistrer les plaques des véhicules dépassant la limite de vitesse autorisée, mais la police voudrait aussi avoir le droit de reprogrammer ces radars à la volée pour enregistrer les plaques d'immatriculation de tous les véhicules, ce qui lui permettrait de localiser plus rapidement un véhicule recherché.

Une évolution de la Constitution nécessaire

Selon les documents auxquels a eu accès le journal Le Monde, la Direction des libertés publiques et des affaires juridiques (DLPAJ), une direction du ministère de l'Intérieur français, fait remarquer que certaines propositions ne sont pas encore techniquement possibles. Toujours selon la DLPJA, d'autres mesures pourraient être inconstitutionnelles. Mais pas pour longtemps, peut-être : après les attaques terroristes du 13 novembre, le gouvernement a déjà annoncé qu’il souhaitait changer la Constitution pour l’adapter à ce nouveau contexte.

(mise à jour) Le 9 janvier, Axelle Lemaire, secrétaire d'état au numérique, a twitté à la sortie du Conseil des ministres que le Premier ministre, Manuel Valls, avait confirmé que l'interdiction du WiFi public ou de Tor n'était pas une piste envisagée par le Gouvernement.