« Internet » est un nom propre. Il ne faut pas l'oublier. Le « réseau des réseaux » a eu une naissance (chaotique) et aura donc une mort. Pour Boris Beaude, les contradictions dans la conception et l'évolution d'Internet aboutiront à sa disparition à brève échéance. Mais cela ne signifie bien sûr absolument pas la disparition de la communication en réseau qui existait avant et existera après Internet.

Il vient de publier un petit opuscule sur le sujet chez FYP dans la collection « Stimulo », Les fins d'Internet. L'auteur est surtout chercheur au sein du laboratoire Chôros de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne. Il avait précédemment publié en 2012, également chez FYP, Internet : changer l'espace, changer la société.

En six chapitres et une conclusion, l'auteur dresse un constat accablant sur les rêves d'Internet confrontés à la dure réalité. Celle-ci est liée bien entendu aux contraintes économiques mais aussi juridiques ou politiques. Abolir les frontières dans un monde d'Etats souverains, libérer la parole dans un monde de cybersurveillance généralisée, abolir la propriété privée ou le droit d'auteur à partir d'un pays où tout se brevette pour le plus grand profit des Patents/Copyright Trolls, décentraliser dans un monde où les multinationales concentrent de fait les services, etc. sont autant de contradictions qui tuent Internet. Même l'architecture d'Internet, bâtie pour être résiliente, est devenue une fragilité.

L'argumentaire de Boris Beaude, bien écrit et bien argumenté, se lit aisément et convainc. Pas de jargon. Pas d'imprécations. Mais des faits, des réflexions, des constats. Au final, la faiblesse de l'ouvrage réside dans le fait qu'il ne se projette guère au-delà de cette fin d'Internet. Il semble en effet impossible de croire à une disparition sans remplacement. Et la seule voie envisagée est celle des intranets nationaux tels qu'ils sont mis en place par les dictatures à travers le monde.