Le projet de loi Création et Internet, qui prévoit de mettre en place un mécanisme de riposte graduée pour lutter contre le téléchargement illicite, continue de susciter des réactions courroucées. Après les associations de consommateurs et de promotion du logiciel libre, c'est au tour des fournisseurs d'accès de monter au créneau. Par l'intermédiaire de l'AFA (Association des fournisseurs d'accès et de services Internet), ils pointent du doigt un certain nombre de mesures déjà dénoncées par leurs prédécesseurs sur ce créneau et regrettent que le texte « contienne des dispositions qui pourraient remettre en cause l'équilibre trouvé par les Accords de l'Elysée ». Ces derniers, rédigés au terme d'une consultation des industriels partie prenante au dossier, servaient de base, avec le rapport Olivennes, à la loi dite Hadopi (en référence à la Haute autorité pour la diffusion des oeuvres et la protection des droits sur Internet qu'elle prévoit de créer). Si les FAI tiennent à ranger à leurs côtés les internautes, en dénonçant des mesures aux relents liberticides (absence de recours avant la suspension de l'abonnement, pas de disposition concrète visant à développer l'offre payante et contrebalançant la riposte graduée), ils insistent sur les dispositions qui leurs sont particulièrement défavorables. Et en premier lieu sur les mesures de filtrage que la loi pourrait contribuer à mettre en place. Ici, pas de considération légaliste. Plus prosaïquement, l'accent est mis sur les difficultés pratiques et les conséquences pécuniaires planant sur les fournisseurs d'accès. Ainsi, en ce qui concerne le filtrage, les FAI ne manifestent pas une opposition au principe, mais insistent sur la nécessité de conduire des expérimentations montrant sa faisabilité technique. Même logique pour la suspension de l'abonnement : alors que les eurodéputés y voient une mesure contraire aux droits de l'Homme, les FAI se bornent à estimer indispensable « une certaine souplesse quant à son contour précis pour tenir compte des contraintes techniques ». Enfin, l'AFA s'inquiète de ce que leur coûtera la mise en oeuvre des mécanismes envisagés par la loi. Alors que celle-ci est limpide en ce qui concerne les sanctions encourues par les FAI qui manqueront à leurs obligations, « le projet reste muet quant à la prise en charge financière des frais supportés par les opérateurs ».