Qu'est-ce qui fait marcher Huawei ? En France, la société chinoise multiplie les engagements, avec l'ambition connue et confirmée d'intensifier ses recrutements (700 à 800) pour muscler sur le territoire ses activités dans les prochaines années. 2021 commence doucement avec une cinquantaine de candidats à l'embauche, dont en particulier des jeunes diplômés. Les domaines d'expertise des profils recherchés sont orientés à la fois sur des commerciaux ou des ingénieurs dont la R&D est répartie sur 6 centres. Au niveau mondial, le groupe revendique une enveloppe globale de plus de 20 milliards de dollars consacrée à la R&D. Une somme certes conséquente, mais en phase avec les standards d'investissements en la matière, autour des 20% du chiffre d'affaires. Ce est bien le cas avec Huawei. En Europe, Oxford Economics, qui a sorti sa calculette et utilisé son modèle d'impact économique mondial pour retracer les chaînes d'approvisionnement paneuropéennes de l'entreprise, indique que Huawei aurait en 2019 contribué à hauteur de 16,4 milliards d'euros au PIB européen, créé de façon directe et indirecte 224 300 emplois et généré 6,6 milliards d'euros de recettes fiscales. 

Côté résultats financiers justement, si la tendance commerciale pour la France est loin d'exploser les compteurs la branche des services pour les entreprises sort du lot. « Nous avons publié un chiffre d'affaires en légère augmentation avec un business réseaux et infrastructures autour de 5-7%, et jusqu'à 25% pour l'activité Business Entreprise. Sur ce segment BtoB en France, le cap des 150 millions d'euros a été atteint, porté par la demande en besoins des entreprises autour des projets de transformation digitale et d'hybridation des systèmes d'information », nous a expliqué Weiliang Shi, président de Huawei France. L'activité du groupe se répartit entre trois segments : connectivité, terminaux mobiles et solutions aux entreprises. Et cette dernière s'est plutôt bien comportée en 2020. Au niveau mondial, le groupe a connu une croissance modérée (3,8%) de son chiffre d'affaires après avoir bondi un an plus tôt de plus de 19%. Côté bénéfice net, ce dernier est ressorti sur l'année écoulée en hausse de 3,2%.

Demande en hausse pour les solutions BtoB

La crise sanitaire est loin d'avoir été neutre pour l'activité de Huawei en France en 2020. Tout d'abord pour sa propre organisation, avec la décision prise très tôt de protéger ses employés en généralisent le télétravail. Et également mobiliser ses équipes partout en France mais aussi en Europe afin de maintenir plus d'une soixantaine de réseaux informatiques pour garantir la continuité de ses services. « Grâce à notre expérience acquise avec le premier confinement en Chine l'année dernière, nous avons pu anticiper les besoins en équipements et avons acheminé 60 tonnes de matériels télécoms en France pour étendre nos capacités réseaux et faire face à une augmentation de trafic réseau de 50% par jour », indique le président de Huawei France ». Des croissances d'usage portées aussi bien par l'augmentation des flux vidéos domestiques (streaming vidéo...) que professionnels avec une explosion du recours aux web et visioconférences mais aussi l'élargissement de bande passante. Cela a par exemple été le cas pour l'AP-HP, un des importants clients du fournisseur chinois dans l'Hexagone.

En termes de produits, en France, les solutions stockage, serveurs et WiFi 6 ont été les plus appréciés, sans pour autant en savoir plus en termes de volumes et chiffre de ventes. Pour l'activité stockage, Huawei estime à plus de 30% l'augmentation de cette activité sur un an face à Dell-EMC, , HPE, NetApp, Pure Storage... Le groupe chinois mise sur ses baies 100% flash pour attirer les clients. Des belles références ont d'ailleurs été engrangées dans ce domaine comme la Bibliothèque Nationale de France ou encore les Galeries Lafayette. Parmi les autres domaines porteurs, les systèmes cloud, IA et data avec un focus stratégique plus spécifique dans les technologies open source, autour d'Openstack et du framework Harmony. Pour soutenir l'activité visioconférence, Huawei cite en revanche volontiers sa solution de tableau numérique, écoulé à plus de 1 000 pièces sur le marché français en pleine situation pandémique. Le groupe pointe ce « succès » tant du point de vue des capacités fonctionnelles avec la capacité de prise en charge des solutions web et visioconférences répandues (Zoom, Teams, WebEx...) mais aussi son coût, plutôt contenu, autour des 5 000 €.

Des résultats 2021 qui ne devraient pas faire d'étincelles

Dans le BtoB, d'autres marchés sont sortis du lot, comme celui du monitoring et de l'automatisation des infrastructures et des serveurs avec Atlas. « Il y a beaucoup de projets en France sur ce sujet et on travaille avec Sodexo qui l'aider à identifier la nourriture et à calculer automatiquement la facture en fonction des plats choisis par les clients », fait savoir le président France de Huawei. Dans le BtoB, les ambitions sont fortes mais les poids-lourds américains (HP, Dell-EMC, Cisco...) sont toujours loin devant. « On est autour de 5% de part de marché, avec 150 M€ de revenus ce qui n'est pas énorme. On a encore beaucoup d'espace à gagner sur le marché français », assure le président de Huawei France. Sur le segment des infrastructures télécom, la part de marché sur le territoire est un peu en-dessous des 20% avec un défi à relever dans la 5G qui s'annonce particulièrement difficile.

5G, une équation impossible à résoudre en France ?

Huawei doit se faire une raison : en France, comme dans d'autres pays d'Europe mais également aux Etats-Unis, la société et ses technologies sont désormais loi d'être accueillies à bras ouverts. Dans certaines villes françaises, des équipements 5G sont toutefois bel et bien en production comme à Lyon, Marseille, Nice, Bordeaux... Mais le groupe a du se résigner à s'écarter des sites stratégiques dont des bases miliaires (Brest...). « L'Etat français dit qu'il va évaluer le risque de faire appel à Huawei sur la base d'informations qu'il a reçu des Etats-Unis mais qui ne sont pas vraies », souffle Weiliang Shi. « Pour les villes qui ont déjà installées [des infrastructures réseaux 5G, NDLR] on va accompagner et accélérer ces installations 5G pour n'importe quel type de fréquences ». L'ambition de Huawei est de couvrir les besoins réseaux au niveau des 6 bandes du standard GSMA en l'Europe, quitte à ne pas se lancer dans les micro-ondes, qui ne sont pas une priorité pour le groupe chinois.

Alors que pense Huawei de l'attitude de l'administration française qui freine l'utilisation de ses technologies 5G chez les opérateurs télécoms ? « Si l'Etat français nous interdit d'installer des équipements à Toulouse, Brest, Toulon.... on n'a pas le choix et les opérateurs non plus, qui cherchent à faire valoir leurs droits », nous a indiqué le président de Huawei France. Alors que le Conseil constitutionnel a validé une loi de 2019 imposant de fortes restrictions quant à l'utilisation de produits 5G, Huawei ne perd pas espoir. « Si un jour, on nous dit que l'on peut utiliser nos technologies, nous serons là. Mais nous n'avons pas les moyens de convaincre l'Etat français d'accepter nos solutions. En Chine, c'est tout le contraire, ce sont nos clients qui participent à notre réseau à Shanghai, Pekin... ». Sur cette activité, nous restons stable, nous n'avons pas de baisse, assure le président de Huawei France. Une réponse valable à court terme, beaucoup moins d'ici 2028 correspondant à la période de sursis accordée par l'Anssi l'été dernier.

Des faillites attendues chez les PME

Sur les trois premiers mois de l'année écoulés, Huawei ne devrait pas s'attendre à une grande surprise pour l'activité télécoms qui devrait rester stable, autour des 18-19% de parts de marché. Concernant l'activité mobiles, les problèmes de composants n'arrangent pas les affaires. Montres, lunettes et téléviseurs sont source de diversification mais sans doute pas assez pour contrebalancer les pertes dans les smartphones qui s'accumulent. Côté BtoB, si cette activité a connu une belle hausse sur l'année écoulée, en 2021 le groupe table sur une stagnation des revenus. « La situation en France ne devrait pas s'améliorer, surtout pour les PME qui sont 3 millions à disparaitre ou sur le point de l'être dans les 6 à 12 mois prochains. », indique Weiliang Shi. « La situation est grave, nous voulons aider les jeunes diplômés à être en capacité de trouver du travail. Nous avons signé avec 13 universités françaises pour donner gratuitement des cours sur l'IA, le cloud et le big data ».