L’information est passée inaperçue avec les grèves et la trêve des confiseurs, mais l’Office européen des brevets (OEB) a rendu une décision importante dans le domaine de l’intelligence artificielle. L’organisme a en effet rejeté deux dépôts de brevets au motif que l’inventeur officiel était une intelligence artificielle et non un humain.

L’IA, nommée Dabus, a été créée par Stephen Thaler. Elle est décrite dans les demandes de brevet comme une « intelligence artificielle connexionniste », c’est-à-dire qu’ « elle repose sur un système de plusieurs réseaux neuronaux capable de générer des idées en modifiant leurs interconnexions. Un second système de réseaux neuronaux analyse les conséquences critiques de ces idées et les renforce au regard des prédictions ». Dabus est à l’origine de deux concepts soumis à dépôt de brevet : le numéro EP 18 275 163 porte sur un type de récipient pour boissons basé sur la géométrie fractale ; le numéro EP 18 275 174 se focalise sur un dispositif embarquant une lumière vacillante pour attirer l’attention pendant des opérations de recherche et de sauvetage.

La délicate question de la personnalité juridique attribuable à une IA

L’Office européen de brevets indique qu’« après avoir entendu les arguments du demandeur dans une procédure orale non publique le 25 novembre, l'OEB a refusé les brevets EP 18 275 163 et EP 18 275 174 au motif qu'ils ne satisfont pas à l'exigence de la Convention sur les brevets selon laquelle un inventeur désigné dans la demande doit être un être humain et non une machine ».

Cette décision ne va pas satisfaire le professeur Ryan Abbott, de l’Université du Surrey (Angleterre) qui a pris la tête d’un groupe d’experts juridiques. Ils militent pour la reconnaissance des droits de propriété intellectuelle à une intelligence artificielle en lui accordant une personnalité juridique. Sur le cas de Dabus, l’universitaire a déclaré, « dans ces applications, l’IA a fonctionnellement rempli l’acte conceptuel qui constitue la base de l’invention. Il ne fait donc aucun doute que l’IA est le seul inventeur comme s’il s’agissait d’une personne physique ». Il précise que « la bonne approche serait d’inscrire l’IA comme un inventeur et à faire du détenteur de l’IA le propriétaire des brevets. Cela permettrait de récompenser les activités innovantes, de maintenir le système de brevets dans une promotion de l’invention tout en encourageant le développement d’IA inventives, plutôt que de créer des obstacles ». L’Union européenne a eu un moment la tentation de créer une « personnalité électronique » aux deux catégories existantes « personne physique » et « personne morale ». L’initiative avait été abandonnée suite à une mobilisation d’experts en IA, robotique, propriété intellectuelle et éthique.