Prompt à fustiger la Chine et ses entreprises, le président des États-Unis s’en prend depuis plusieurs mois déjà au réseau social TikTok. Les équipes de Donald Trump ont évoqué plusieurs options pour ce faire : une scission entre ce dernier et sa maison mère Bytedance, comme l’évoque le New-York Times, ou une pure et simple interdiction d’usage aux États-Unis.

La vente plutôt que le bannissement

Depuis, l’affaire prend des allures de série à gros budget. Plutôt que de voir son activité disparaitre dans un de ces marchés les plus prometteurs, le groupe chinois a rapidement déclaré mettre en vente ses activités américaines. Et depuis le 2 aout, l’idée d’une vente prend le dessus sur le bannissement. Microsoft est en effet rapidement apparu comme le plus intéressé de tous les prétendants. Une entrevue entre son CEO, Satya Nadella, et le président dimanche a abouti à un accord préliminaire en faveur d’une vente de TikTok US, Canada Australie et Nouvelle-Zélande avant le 15 septembre, sous la surveillance des autorités américaines. Microsoft rappelle malgré tout qu’il ne s’agit que d’une discussion préliminaire et « qu’il n’y a aucune assurance qu’une transaction impliquant que Microsoft aboutisse ».

Plutôt Microsoft que Facebook ou Google ?

Si c’est le cas, il promet déjà d’ajouter à l’app une sécurité de haut niveau et d’héberger les données des citoyens des États-Unis sur le sol américain. Comme l’estimait le New-York Times avant la confirmation de l’opération, une acquisition par Microsoft devrait davantage rassurer Bytedance qu’une éventuelle option Facebook ou Google. L’éditeur de Windows a en effet laissé leur identité et une grande autonomie de développement à ses dernières acquisitions dans des domaines similaires : Mojang Studios (Minecraft), Linkedin et Github. Contrairement aux GAFA, il ne dispose pas d’offres concurrentes du Chinois. Il soufflerait cette très tentante proie à des Facebook et Google qui aimeraient sans nul doute en récupérer les utilisateurs et les données. Gageons qu’ils ne se rendront pas sans se battre, néanmoins…

Un outil de ciblage marketing des 16-24 ans

Pour Microsoft, la prise serait donc de taille. Tiktok atteint une cible très jeune qu’aucun grand réseau social n’arrive à intéresser. Elle permettra à l’éditeur de se lancer directement dans le grand bain du réseau social grand public, sur son terrain pour commencer, avec une base en très forte croissance. Adepte historique du marketing, gageons qu’il s’attèlera à doper l’usage par les marques des vidéos ultra-courtes et volontairement peu léchées. Des géants comme Nike, Vodafone ou L’Oréal l’ont déjà adopté.

Selon la presse américaine, l’entourage du président américain l’a poussé – avec Microsoft- vers une acquisition plutôt qu’une interdiction. Les enjeux sont aussi ceux d’une entreprise en croissance aux États-Unis. La directrice générale de TikTok Amérique a ainsi rappelé que le Chinois avait recruté 1 000 personnes aux États-Unis uniquement cette année et envisageait d’en ajouter encore 10 000 sur tout le territoire. La croissance de l’app dans le pays est de plus, particulièrement forte.

L’app aux 800 millions d’utilisateurs mensuels dans le monde, majoritairement entre 16 et 24 ans, a généré plus de 2 milliards de téléchargements depuis ses débuts, selon SensorTower. Crise du covid-19 et confinement aidant, ils ont été 315 millions au seul premier trimestre 2020. Un record, toutes apps confondues. Et les américains sont désormais les 3e plus enthousiastes avec 165 millions d’installations de l’app depuis ses débuts, derrière l’Inde (611 millions) et la Chine (196,6 millions). Une raison de plus de mettre la pression sur le Chinois, pour Donald Trump.

Au commencement était la menace sur la sécurité nationale

Malgré tout, difficile de savoir quel impact technologique pourrait avoir ce rachat. La plateforme restera la même partout ailleurs que dans les territoires concernés, mais Microsoft – ou un autre acheteur - pourra la faire diverger, lui ôter ou lui ajouter des fonctions, uniquement pour les utilisateurs américains. Difficile de considérer une solution numérique internationale d’un point de vue purement territorial.

Tout avait commencé avec l’investigation lancée par la justice américaine fin 2019. Le Comité pour l'investissement étranger aux États-Unis (CFIUS) qui scrute les dangers pour la sécurité nationale d’acquisitions d’acteurs américains par des sociétés étrangères s’était alors inquiété des conséquences du rachat de Musical.ly par Bytedance en 2017. Tiktok avait en effet choisi de procéder à cette acquisition pour près d’un milliard de dollars (830 millions d’euros), afin de proposer son service hors de Chine. Dans son pays natal, TikTok s’appuie sur Douyin, son propre réseau social. Les inquiétudes du CFIUS, reprises aujourd’hui par le gouvernement américain, concernent la sécurité des données des utilisateurs, une censure et de la propagande potentielles de la part de la Chine. À l’époque du rachat, Bytedance n’a pas jugé utile de demander l’autorisation de l’organisme, ouvrant la voie à l’investigation actuelle. Mal lui en a pris…

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