La progression qu'a réussie un Autonomy au cours des années semble moins facile à reproduire pour d'autres éditeurs européens de taille moyenne. Jusqu'à présent, l'éditeur britannique avait pu faire des acquisitions aux Etats-Unis car il avait des liquidités et disposait d'une valorisation à l'américaine. Mais sur ce terrain, les Européens restent toujours des acteurs très modestes face à leurs concurrents situés outre-Atlantique. Les 30,9 Md€ de revenus affichés au total par le Truffle 100 Europe ne représentent que 3/5e du chiffre d'affaires engrangé par Microsoft seul sur son dernier exercice fiscal, fin juin 2011(près de 70 Md€, soit environ 50 Md€). En outre, la structure capitalistique des éditeurs européens est fortement exposée aux marchés : 65 sont en bourse, représentant 84,5% du poids du Truffle 100 et 85,8% des dépenses en R&D.

L'évolution vers le SaaS, un passage délicat

Sur le Top 100 européen ne se dégagent toujours que quatre « champions européens ». En Allemagne, loin derrière un SAP de taille planétaire, se tient Software AG (919 M€ de CA sur le logiciel), qui profite de sa structure actionnariale particulière et de ses réserves. En France, on retrouve Dassault Systèmes (1,56 Md€) et en Angleterre, Sage (1,54 Md€). En dehors de ces quatre groupes, le chiffre d'affaires logiciel des autres éditeurs descend à 431 M€ à la 10e place et à 264 M€ pour le 20e (le Suédois IFS). A partir du 50e du classement, les revenus issus des logiciels sont inférieurs à 100 M€. Néanmoins, relève Bernard-Louis Roques, depuis le palmarès 2006 du Truffle 100 Europe, « la taille des derniers a plus que doublé ». 

Commentant l'évolution des modèles économiques, révolutionnés par le cloud computing et la mobilité, le co-fondateur de Truffle Capital confirme le SaaS (software as a service), donné pour prédominer, « va nécessiter de très forts investissements ». Il s'agit de redévelopper une plateforme différente qui, de surcroît, induit un poids financier en termes de business model (tarification par abonnement lissé sur l'année comparé à l'achat ponctuel de licences) plus que de technologie. L'évolution vers le modèle SaaS est un passage délicat pour les éditeurs. Il peut les fragiliser et en faire des proies.

Pour résister à la concurrence américaine et prospérer, les acteurs du Top 100 ont besoin d'être mieux compris par les dirigeants européens qui ne croient pas suffisamment à des politiques industrielles. Alors que les Etats-Unis voient ce secteur comme une industrie-clé et  le soutiennent par un Small Business Act et d'autres dispositifs avantageux dont des programmes de formation. En France, pour l'instant, toujours pas de SBA, et si le crédit impôt recherche a le mérite d'exister, il profite moins aux petites sociétés qu'aux plus grosses.

En ouverture de ce 6e Truffle 100, Nelly Kroes, Commissaire européenne, chargée des questions liées au numérique, estime nécessaire d'abaisser les barrières qui entrave le chemin vers un marché unique du numérique en Europe. Elle évoque Horizon 2020, le programme de recherche et d'innovation pour 2014-2020, ainsi que le fonds proposé « Connecting Europe Facility » qui doit investir 9,2 Md€ dans le déploiement de réseau haut débit et d'une infrastructure de services numériques.