Cet été, le sénateur Jean-Marie Bockel a publié un rapport sur la cyberguerre. La proposition d'interdire les routeurs chinois avait déclenché une petite tempête médiatique. Il est venu aux Assises de la Sécurité à Monaco où il a rencontré la presse. Pour lui, le rapport n'est qu'un point d'étape. Les conclusions un peu péremptoires du rapport ont déclenché une certaine réticence, d'autant que le sénateur n'avait pas rencontré tous les acteurs. « Oui, c'est vrai, j'aurais pu rencontrer Huawei et ZTE avant de publier mon rapport, je les ai rencontrés depuis » a admis Jean-Marie Bockel. Pour lui, l'interdiction des routeurs chinois de coeur de réseau n'est pas l'essentiel de son rapport (« une mesure sur cinquante ») et il regrette que ce sujet efface le reste.

Le sénateur a réaffirmé que son travail est basé sur de nombreuses consultations de grands acteurs du marché ainsi que d'experts notamment de l'ANSSI. Il a précisé : « ce sont nos amis allemands qui m'ont mis la puce à l'oreille sur cette question des routeurs de coeur de réseau, qui constituent aussi un potentiel industriel. »  Jean-Marie Bockel se veut libéral et a déclaré avoir hésité à proposer l'interdiction de produits chinois, d'autant qu'il connaît bien la Chine et apprécie que ce pays rentre petit à petit dans les règles d'un commerce mondial plus équitable. « La Chine n'est pas insensible à un certain rapport de force pour accepter d'aller discuter sur les questions de fond » pointe le sénateur.

Pour lui, il peut certes y avoir des problèmes avec des produits d'autres pays. Concernant les Etats-Unis notamment, Jean-Marie Bockel admet que ses visites sur place n'ont pas toujours été très sympathiques, comme celle à la NSA (National Security Agency). Il a aussi dénoncé le protectionnisme bureautique larvé du pays de Bill Gates. Il réfute tout fantasme et toute obsession anti-chinois. Sa prise de position contre les routeurs chinois se veut donc aussi être une provocation pour lancer le débat. « Je suis étonné des retours positifs de gens qui ont lu ce rapport » s'est réjoui Jean-Marie Bockel. Il a assuré travailler avec l'ANSSI et le Ministère de la Défense, dans la poursuite des travaux du député Pierre Lasbordes.

Créer une doctrine de cyberdéfense

Il admet que le travail de la France en matière de cyber-sécurité, comme dans les autres pays, comporte une part offensive, mais qui n'est malheureusement pas au niveau de ce qu'il faudrait. « Il faut une doctrine en la matière » a insisté le sénateur. Les doctrines de pays étrangers semblent davantage fixées, même si c'est discret. L'Estonie est un modèle, même si c'est un petit pays, tandis que des pays plus grands sont moins prêts. Selon lui, « en matière de cyberguerre, l'OTAN n'est pas prête même s'il y a une doctrine naissante. » A ce jour, le sénateur estime qu'il existe des opérations systématiques de cyber-guerre lors de conflits chauds (Géorgie...) ou tièdes (Iran...) mais pas de cyber-guerre autonome.

Face aux cyber-attaques, le sénateur maintient que tout organisme attaqué et qui a su se défendre doit savoir communiquer. Il regrette que la récente attaque contre l'Elysée n'ait pas fait l'objet d'une telle communication même si le cas est très particulier. « L'incident est aujourd'hui clos » a-t-il cependant indiqué. Jean-Marie Bockel veut surtout une concurrence loyale dans le commerce mondial. Même des pays comme l'Australie peuvent, selon lui, poser des problèmes en termes de protectionnisme.

La coopération internationale dans le domaine de la sécurité contre la cybercriminalité est, elle, au contraire, une demande de pratiquement tous les pays, Chine et Russie inclues. Pour lui, la discussion avec la Chine rencontre une difficulté majeure : la sécurité rejoint en effet la question des libertés publiques. Et la conception des droits individuels est fort différente selon les pays.