Organiser l'accès à l'information constitue l'un des enjeux majeurs des projets de dématérialisation et d'archivage électronique, ainsi que l'a rappelé la 2ème enquête du laboratoire de veille du groupe Serda, publiée à l'occasion de Documation 2012, la semaine dernière. 80% des 230 répondants l'ont confirmé, ils veulent faciliter le partage des documents et gagner en efficacité en retrouvant facilement l'information. Mais pas à n'importe quel prix. La question du retour sur investissement (RSI, ou ROI en anglais) a été abordée au cours d'une conférence évoquant la méthode du « Business case », « un outil puissant pour piloter les projets et arriver à bon port », a commenté Pierre Fuzeau, co-créateur du groupe Serda, qui animait la session. Il s'agit ici de justifier la naissance du projet de gestion documentaire, de s'assurer qu'il soit en ligne avec la stratégie et les obligations de l'entreprise(*) et de convaincre un sponsor, la direction générale ou le comité d'investissement. Car Pierre Fuzeau le souligne, depuis 2005 environ, « le projet d'archivage ne se fait plus sans que le directeur financier regarde le business case ». Ce dernier doit illustrer l'impact métier du projet, estimer l'investissement, peser les risques et les difficultés et évaluer le RSI, ratio financier qui mesure le montant des gains et des pertes par rapport aux sommes initialement consenties, a décrit Serge Masanovic, associé de VCM Conseil, spécialiste en économie des systèmes d'information.

Des documents soumis à une exigence de conformité

Montrer les gains potentiels d'un projet, c'est aussi ce qu'a pointé Vincent Jamin, directeur de la division dématérialisation de la société Docpost DPS, née du rapprochement de quatre filiales de La Poste (Aspheria, Bretagne Routage, Maileva et Orsid). Il rappelle que le document est souvent régi par un environnement légal, soumis à une exigence de conformité. « Certains de nos clients ont besoin de réduire le coût de leurs litiges et ils paient notre prestation avec les gains ainsi obtenus ». Il fournit quelques exemples : un établissement financier qui doit prouver qu'il a informé ses clients de la nature du risque, un constructeur automobile qui, en cas de défaut sur une voiture, doit apporter la preuve qu'il a prévenu. « La dématérialisation est de plus en plus ancrée dans les processus et contribue à améliorer les performances des entreprises en faisant gagner du temps aux utilisateurs ». Il évoque un projet de dématérialisation (impliquant 600 utilisateurs et une base de 150 000 clients) ayant permis d'économiser 37 années/homme par an. Il cite encore une économie de 3 années/homme par l'intégration dans l'ERP des données des 200 000 factures annuelles. « Comment optimiser la trésorerie, diminuer les impayés, ou encore, faire le rapprochement entre quantités commandés et livrés », énumère-t-il en rappelant aussi que « la dématérialisation permet de s'affranchir de la géographie » en donnant accès aux documents où que l'on se trouve.

Le groupe d'assurances Swiss Life dématérialise ses courriers entrants

En complément, un témoignage a été apporté par Franck Richou, chef de projet archivage pour le groupe d'assurance Swiss Life. Il annonce d'emblée 20 kilomètres d'archives chez des prestataires externes. « Nous avons depuis cinq ans une démarche de GED sur nos courriers entrants ». La société veut optimiser la procédure de dématérialisation et d'archivage. Elle a fait appel à Serda pour analyser son existant et trouver comment améliorer son fonctionnement à travers des processus pérennes. Sur la partie financière entrent en jeu non seulement le coût des solutions proposées, mais aussi celui de la conservation : surface d'archivage (sur trois sites principaux), enregistrement des dossiers et consultation. « Si nous ne faisions rien, en dix ans, nous doublions nos coûts actuels de fonctionnement », affirme le chef de projet archivage pour le groupe d'assurance Swiss Life. La question de l'archivage interne ou externe s'est posée, mais au final le niveau de fonctionnement est à peu près similaire « à condition d'agir sur l'organisation ».

Franck Richou fournit quelques chiffres pour illustrer les gains potentiels du projet. « Aujourd'hui, la gestion des demandes de consultation quotidiennes mobilise deux équivalents temps plein sur le site de Levallois, soit environ 7,49 euros HT par demande » A cela s'ajoutent les coûts de recherche, de transport et de réintégration chez l'archiveur qui, au total, portent à 11,66 euros HT la consultation (hors stockage) d'un dossier physique. « Demain, plutôt qu'envoyer un dossier physique, on adressera son image à Swiss Life et celle-ci sera disponible en même temps pour tout utilisateur simultanément. Même s'il y a un coût de dématérialisation chez notre archiveur », explique le chef de projet.

La proposition de numérisation à la demande et d'indexation basique au dossier (40 pages en moyenne par dossier) revient, selon la solution choisie à 4,42 euros HT (numérisation de tout le dossier sans tri) ou 7,22 euros HT (dématérialisation d'une partie des pièces avec tri). Une fois numérisés, les dossiers sont stockés en archivage dormant et leur image peut être utilisée autant de fois que nécessaire (ce qui évite les sorties multiples). Ce qui permettra aussi de limiter l'intervention du service archives. Le coût de la consultation (hors stockage et évolution GED) d'un dossier numérique serait alors d'environ 5,36 euros HT.

(*) Le projet doit être aligné avec les impératifs règlementaires et juridiques de l'entreprise, les relations qu'elle développe avec ses clients, ses fournisseurs ou les citoyens (dans le cas d'une collectivité locale ou d'une administration), son développement humain, l'urbanisation de son SI, le renforcement des dispositifs de sécurité et le capital immatériel qu'elle souhaite développer.