L'article 1369-8 du Code Civil prévoyant une lettre recommandée électronique attendait son décret d'application depuis sa promulgation, il y a cinq ans. C'est désormais chose faite : le Journal Officiel du 4 février 2011 vient de publier le décret détaillant les modalités pratiques de l'envoi et de la réception d'un courrier électronique recommandé.

La lecture du décret peut surprendre si l'on ne lui redonne pas sa place dans l'assemblage des textes. En particulier, les modalités générales de preuves en matière d'écrits électroniques sont spécifiées au chapitre 7 du titre 3 du livre 3 du Code Civil dont la seule section 3 concerne « l'envoi ou de la remise d'un écrit par voie électronique ». L'absence de mention explicite, dans ce décret, de la signature électronique est donc tout à fait normale et ne remet nullement en cause l'obligation de son usage. Le premier alinéa de l'article 1369-8 du Code Civil y pourvoit en renvoyant aux modalités générales du chapitre en matière de preuve.

Une procédure qui reste lourde


On retrouve dans la procédure de lettre recommandée électronique les trois parties : un opérateur (qui joue le rôle de La Poste), un expéditeur et un destinataire. Le décret précise les informations devant être fournies et les opérations à réaliser par chaque partie. Le destinataire sera en mesure d'accepter ou de refuser l'envoi électronique d'une lettre recommandée après un avis préalable à la délivrance. Il pourra aussi demander à recevoir le courrier recommandé sous forme papier, l'opérateur se chargeant à partir de cet instant de convertir le courrier électronique recommandé en courrier papier recommandé sans que l'expéditeur ait quoi que ce soit à faire. Un professionnel ne pourra pas refuser un courrier électronique.

L'expéditeur est bien sûr informé de la réception ou de la non-réception d'un courrier recommandé électronique. Le destinataire s'authentifie pour prendre connaissance du courrier, ce qui implique l'usage d'une signature électronique avec stockage de l'empreinte numérique garantissant l'intégrité du dit courrier. Précisons enfin que le courrier électronique recommandé ne sera conservé qu'un an par l'opérateur.

Des questions en suspens


Cette limite de durée très courte risque d'être problématique en cas de procédure judiciaire. Cette dernière peut en effet durer des années et l'expéditeur ou le destinataire vont devoir prendre leurs précautions en conservant précieusement les traces de leurs échanges avec l'opérateur.

Même si la jurisprudence est amenée à trancher des litiges pour préciser les pratiques, et malgré la tendance naturelle à vouloir davantage de sécurité dans un système d'échanges électroniques par rapport à un échange papier, le décret possède ainsi quelques zones d'ombres. Un autre exemple concerne la réception d'un avis préalable à la distribution du courrier recommandé. Si cet avis, envoyé par courrier électronique simple, est perdu ou est filtré comme pourriel, devra-t-on considérer que le recommandé n'a jamais été réclamé ? Le cas est finalement similaire à celui d'un papillon postal perdu au milieu des prospectus dans une boite aux lettres d'immeuble.

De la même façon, l'idée d'acheminer sous format papier un recommandé électronique sur demande du destinataire pose une question économique. Ce choix n'appartient pas à celui qui paye le service, l'expéditeur. L'opérateur devra-t-il intégrer le coût du courrier recommandé papier à son service de recommandé électronique, ce qui aboutira à le rendre plus cher que le service papier, ou bien refaire payer l'expéditeur si le destinataire demande l'envoi papier ? L'intérêt de la procédure risque d'en pâtir.

De fait, le service de recommandé électronique de La Poste est plus onéreux que son service papier. Son avantage réside donc dans la fluidité du processus côté expéditeur, notamment en cas d'envoi en nombre.