Maître de conférences à Sciences Po Paris et chercheuse à l'Université Catholique de Louvain (UCL - LASCO), Caroline Sauvajol-Rialland revient sur l'objectif visé par Thierry Breton, PDG de la SSII Atos Origin.
L'intégralité de sa tribune libre est publiée sur le Blog Expert du Monde Informatique.
Elle y explique pourquoi l'accélération de la pollution informationnelle est un constat sous-évalué, avant de pointer l'impérieuse nécessité d'agir.

La généralisation et l'accélération de « l'infobésité » dans le monde du travail. 

L'annonce faite il y a quelques jours par la société Atos Origin de son ambition de « devenir une entreprise «zéro e-mail» d'ici trois ans » repose sur le constat suivant :  « Le volume d'e-mails que nous envoyons et recevons n'est pas soutenable dans le domaine professionnel. Les managers passent de 5 à 20 heures par semaine à lire et écrire des e-mails. Ils utilisent déjà les réseaux sociaux plus que les moteurs de recherche, et passent 25% de leur temps à rechercher de l'information ... Les cadres passent plus de 25% de leur temps à chercher de l'information. En 2010 : les usagers au sein des entreprises reçoivent en moyenne 200 mails par jour, dont 18% sont des spams. » (1)

Ce constat propre à la société Atos Origin (et au problème particulier des courriels) ne constitue en réalité que la partie émergée d'un phénomène bien plus général et plus massif : le sentiment de saturation d'information des collaborateurs de l'entreprise (5). La surinformation se définit par le fait pour un individu de recevoir plus d'informations qu'il ne lui est possible d'en traiter sans porter préjudice à l'activité.

Ainsi les cadres en particulier expriment de plus en plus le sentiment d'être confrontés à une surabondance d'informations qu'ils ne parviennent plus à absorber, traiter, hiérarchiser et qui est génératrice de stress : 74% d'entre eux déclarent souffrir de surinformation et 94% pensent que la situation ne peut que se détériorer. 90% disent recevoir trop de courriers inutiles, lesquels représentent 25% des courriels reçus. Et 30% du temps de travail d'un cadre est déjà consacrée au traitement de l'information (7).
La surcharge est donc informationnelle et communicationnelle. « Au milieu du XXe siècle, on a commencé à produire de l'information plus rapidement qu'on ne peut la digérer. Jamais cela ne s'était produit auparavant ... » (8).

Les causes de « l'infobésité »

La cause principale de la surcharge informationnelle tient au développement exponentiel de la production d'informations depuis les années 1980 : « l'humanité a produit au cours des 30 dernières années plus d'informations qu'en 2000 ans d'histoire et ce volume d'informations double tous les 4 ans » (9).

Les nouvelles technologies de l'information et de la communication (NTIC) ont également contribué à la surcharge informationnelle en réduisant les temps de traitement, en accélérant la vitesse de circulation et en autorisant la disponibilité permanente (10). « Les nouvelles technologies renforcent la culture de l'urgence, elle-même encouragée par les nouvelles organisations du travail. On passe alors de l'urgence à l'instantanéité et à l'immédiateté. » (5). Le courrier électronique, les agendas partagés, les téléphones et ordinateurs mobiles, les téléavertisseurs ou encore MSN sont les nouveaux outils de l'instantanéité en entreprise. Et les communications synchrones (portable, MSN...) exposent leurs correspondants à encore plus de vulnérabilité que les communications asynchrones (courrier électronique notamment). Enfin, les temps professionnels et personnels sont de plus en plus enchevêtrés.

Paradoxalement, les NTIC, sensées améliorer la gestion des flux d'information, leur diffusion et fluidifier les processus décisionnels conduisent par le développement de leur usage à la situation inverse... (10). L'utilisation du courrier électronique en entreprise constitue l'éclatante illustration du phénomène. En 10 ans, il s'est imposé comme l'outil de travail dominant en entreprise. A la fois principal outil communicationnel de l'entreprise (avant les réunions), il est pourtant devenu l'ingrédient central de la surcharge informationnelle... Comme l'explique David Shenk, « nous ne pouvons  nous débarrasser de la sensation étrange d'être en train de perdre le contrôle sur ces machines  qui étaient sensées nous servir. Nous nous propulsons à des vitesses au-delà desquelles nous étions incapables de vivre » (8).

Lire la suite de la tribune de Caroline Sauvajol-Rialland sur le Blog Expert du Monde Informatique.fr :

L'impérieuse nécessité d'agir : les effets pervers de la surinformation

- Les risques sur les personnes : le développement des pathologies liées à la surinformation

- Les risques pour les entreprises : la décision et la performance

Sur le même sujet :

- Le 15 février 2011 : Atos Origin se fixe un objectif "Zero emails" pour 2014